Dépression, anxiété et déficience en fer

Une synthèse effectuée par deux chercheurs de l’université du Michigan souligne qu’il peut y avoir une déficience en fer sans anémie, et que celle-ci perturbe la synthèse de neuromédiateurs (sérotonine, dopamine, noradrénaline), ce qui perturbe le fonctionnement psychique, favorisant notamment l’anxiété et la dépression.
Sur la base d’un essai ayant montré une amélioration des symptômes sur 50 % des sujets, ils recommandent une supplémentation en fer en cas de dépression ou anxiété associée à une ferritine < 100 ng/ml, avec un produit et une posologie adéquate (1).
Cette recommandation peut surprendre, étant donné que la norme habituellement admise pour la ferritine est 30 ng/ml, et que la supplémentation en fer, quand elle mal adaptée ou dépasse les besoins, a des effets néfastes reconnus (2).
Il n’y a de consensus sur les normes de ferritine, autant sur le seuil marquant une déficience que sur celui marquant un excès préjudiciable à la santé à long terme (3).
C’est toute la complexité du métabolisme du fer, et l’impossibilité de trouver une zone de convergence entre les bénéfices d’une supplémentation et la nocivité d’un excès. La quantité n’est pas le seul facteur en jeu, la répartition de ses diverses formes compte également. La solution la plus naturelle est de faire confiance à la régulation de l’assimilation du fer conditionnée par le bon état de la muqueuse intestinale. La priorité est alors la régénération de cette muqueuse quand le contexte évoque qu’elle pourrait être altérée (2).

Références :
1. Stephanie Weinberg Levin & Theresa B. Gattari : Iron deficiency in psychiatric patients – Current Psychiatry 2023, 22, (3)
2. Biologie Médicale Intégrative : Discussion autour des valeurs normales et pathologiques de la ferritine (extrait)
3. Article sur Nutrition Santé Essentielle : Le fer, une zone étroite de stabilité entre déficit et excès

Les supplémentations efficaces pour la prévention cardiovasculaire

Pour établir la vérité scientifique actuelle sur l’intérêt de diverses complémentations sur la prévention des risques vasculaires, une publication du JAAC propose la synthèse d’une revue systématique et une méta-analyse d’essais d’intervention contrôlés randomisés sur les micronutriments.
Il en ressort des effets bénéfiques significatifs pour les oméga 3, l’acide folique (vit B9) et le coenzyme 10 ; pas d’effets significatifs pour les vitamines C,D,E et le sélénium ; et des effets néfastes pour le B carotène.
Finalement, rien de surprenant, la confirmation de l’intérêt d’un apport suffisant en oméga 3 et vitamine B9 et du fait que le ß carotène en supplémentation n’est pas une bonne idée.
L’intérêt du coenzyme Q10 comme soutien face au processus de vieillissement est à considérer.
Dans tous les cas, de telles complémentations sont difficiles à prendre en continu toute la vie, et il est bien difficile d’évaluer l’intérêt de cures de durée limitée.
Cela confirme une nouvelle fois qu’une alimentation diversifiée faisant la part belle aux oméga 3 et aux végétaux non transformés est la meilleure prévention, et aussi la plus économique.

Référence
An P et coll. : Micronutrient Supplementation to Reduce Cardiovascular Risk. J Am Coll Cardiol 2022 ; 80 : 2269-2285

 

Le curcuma peut-il être dangereux ?

Les extraits de curcuma ont la cote, et la course technologique pour proposer des produits à curcumine hautement assimilable à conduit à une offre pléthorique (1).
Un rapport de l’Anses du 27 juin 2022 met en garde contre la consommation de complémentaires à base de curcuma, suite au recensement en Italie d’une vingtaine d’hépatites, et d’une quinzaine en France (sur un total d’une centaine de signalements pour effets indésirables).
La dose de sécurité en curcumine établie est de 180 mg par jour. Les apports alimentaires pour de gros consommateurs ne dépassent pas 30 mg quotidiens, la limite de sécurité des compléments est donc de 150 mg par jour.Ces limites, qui intègrent le niveau d’assimilation de la curcumine sous sa forme classique, qui est la meilleure dans la poudre de curcuma sont généralement respectées. Cependant, les nouvelles spécialités ont usé de moyens technologiques permettant une augmentation considérable de l’assimilation. Dans ce contexte, la limite de sécurité ne veut plus rien dire.Outre les hépatites, les autres effets secondaires relatés sont une mauvaise tolérance en cas de lésion des voies biliaires (la curcumine est fortement cholérétique), et des interactions médicamenteuses avec les anticoagulants, les anticancéreux et les immunosuppresseurs.
L’ANSES préconise d’éviter les compléments à base de curcuma en cas de pathologie des voies biliaires, de prise de médicaments précités, et recommande pour les produits technologiques de connaître la dose de sécurité en fonction des données de biodisponibilité.

Cette observation révèle comment l’industrie du complément alimentaire en cherchant, à l’instar de sa consœur pharmaceutique des produits à effet curatif puissant oublie que de tels apports non physiologiques, peuvent avoir des effets collatéraux néfastes.
Elle a fait oublier que la meilleure forme de curcuma est sa poudre, qui est un totum de plante contenant une curcumine plus assimilable que les extraits (hors technologie), et avec lesquels on peut atteindre des doses actives sans dépasser le seuil de sécurité. Pour faciliter la prise de plusieurs grammes quotidiens (3 à 12), on peut fabriquer soi-même des gélules (3).

Références :
1. Curcuma : bienfaits naturels, optimisation des effets, privatisation des profits et confusion de l’information !
2. ANSES : Des effets indésirables liés à la consommation de compléments alimentaires contenant du curcuma
3 Althea-Provence : curcuma – anti-inflammatoire et antioxydant

Un effet anti vieillissement marqué avec un simple complément alimentaire qui pose beaucoup de questions

Le glutathion (GSH) est un tripeptide formé de glycine [Gly], cystéine [Cys] et acide glutamique [Glu]. La N-Acétyl-Cystéine (NAC) est la forme habituelle pour l’apport de cystéine en complémentation.

La carence en GSH chez les jeunes souris entraîne un dysfonctionnement mitochondrial, et un supplément de Gly+NAC chez les souris âgées, améliore la carence naturelle en GSH, réduit le stress oxydatif, l’altération mitochondriale, et la résistance à l’insuline.
Une étude pilote humaine a comparé 8 sujets jeunes à 8 personnes âgées. Les personnes âgées avaient un niveau de stress oxydatif élevé, un fonctionnement mitochondrial perturbé, une inflammation plus importante, une insulino-résistance, et un dysfonctionnement endothélial, une force musculaire et un fonctionnement cognitif affaiblis. Ils avaient aussi un niveau de glutathion déficient.
Une supplémentation de Gly+NAC pendant 24 semaines chez les sujets âgés a corrigé la déficience en GSH, le stress oxydant, et le dysfonctionnement mitochondriale. Il a amélioré l’inflammation, la dysfonction endothéliale, la résistance à l’insuline, les dommages génomiques, la cognition, la force, la vitesse de marche et la capacité d’exercice. Il a réduit la graisse corporelle et le tour de taille.
Les effets étaient plus marqués au bout de 24 semaines qu’après seulement 12 semaines
Cependant, les avantages acquis ont diminué 12 semaines après l’arrêt de la supplémentation en Gly+NAC.

Le produit Gly+NAC (Celltrient™ Cellular Protect) est diffusé par Nestlé Health Science aux USA. Le coût de la cure est de 64 $ par mois. L’étude suggère que la prise doit être continue, à vie, pour en conserver les bénéfices.
Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts. L’étude a été financée par la Fondation Robert et Janice McNair

Cette étude éveille de multiples questions
– Les résultats impressionnent, et interpellent.
– Le faible nombre de participants et la non prolongation pour vérifier la stabilité des effets sur une longue durée (plusieurs années) limitent la portée des résultats.
– Les excipients présents dans le produit Celltrient™ Cellular Protect (hydroxypropylmethyl cellulose, cellulose gel, hydroxypropyl cellulose, stéarate de magnesium) sont-ils compatibles avec une prise quotidienne à très long terme ?
– Les huit personnes âgées choisies, toutes déficientes en glutathion, sont-elles représentatives ?
– Dans le complément Gly+NAC, les apports quotidiens de glycine (1,2 g/j) sont de l’ordre des apports alimentaires, pour un acide aminé non essentiel. Ceux de cystéine sont supérieurs. Une telle complémentation conduit-elle plus facilement qu’un apport alimentaire suffisant et glycine et cystéine à une synthèse accrue de glutathion ?
– L’apport abondant de deux précurseurs (Gly et NAC) est supposé stimuler la synthèse de GSH alors que le troisième, l’acide glutamique (glutamate), qui ne peut être mis en complémentation pour ses effets possibles sur le système nerveux en cas d’excès, doit être trouvé dans l’alimentation. Ne serait-il pas plus logique d’apporter du Glutathion réduit (sous forme de S-Acétyl-Glutathion) qui apporte les trois acides aminés en juste proportion ?
– La cystéine, le seul AA qui semble déficient, n’aurait-elle pas, avec une simple complémentation en NAC, les mêmes effets pour un coût plus réduit ?
–  Un excès d’acide amines soufrés (méthionine cystéine) favorise l’acidification de l’organisme.
– Il apparaît dans certaines recherches qu’un déséquilibre en acides aminés (notamment un excès d’AA branchés ou aromatiques) augmente le risque vasculaire. Cela ne devrait-il pas questionner sur le risque de créer des déséquilibres entre acides aminés en apportant spécifiquement certains par complémentation sur du long terme ?

Références:
1. Premranjan Kumar & al : Glycine and N‐acetylcysteine (GlyNAC) supplementation in older adults improves glutathione deficiency, oxidative stress, mitochondrial dysfunction, inflammation, insulin resistance, endothelial dysfunction, genotoxicity, muscle strength, and cognition : Results of a pilot clinical trial – Clinical and Translational Medicine (CTM), mars 2021, 11(3), e372
2. D.K. Tobias & al : Circulating Branched-Chain Amino Acids and Incident Cardiovascular Disease in a Prospective Cohort of US Women – Circulation: Genomic and Precision Medicine, avril 2018, 11(4): e002157

Vitamine D : le microbiote entre en scène

La vitamine D est devenue la star des compléments alimentaires. Les avantages santé impressionnants d’un taux élevé dans le sang, sans cesse rappelés (y compris face aux Coronavirus), suffisent à les justifier dans la plupart des articles à ce sujet. Or, s’il y a une corrélation maintes fois vérifiée entre un niveau naturellement élevé de 25-OH-cholécalciférol et un réel bénéfice santé, on oublie généralement deux aspects de la situation :
1. Les complémentations, en élevant directement le taux sanguin, n’obtiennent qu’une partie des bénéfices, ce qui montre que la vitamine D dosée est un facteur de santé et aussi un marqueur d’un état de santé, c’est-à-dire que certaines conditions favorables ont aussi pour effet de faire monter ce taux (1)
2. Le 25-OH-cholécalciférol est une provitamine D inactive. La forme devient active, en se transformant au niveau du rein en 1,25 diOH cholécalciférol. Cette forme n’est habituellement dosée que lors des insuffisances rénales, pour évaluer la capacité métabolique des reins. Et le principe selon lequel la forme circulante inactive est le meilleur marqueur du statut en vitamine D n’a jamais été remis en cause.

La publication récente de chercheurs californiens (2) se pose cette question en constatant sur plusieurs centaines de sujets âgés (moyenne d’âge 84 ans), l’inconstance de la conversion de précurseur en forme active de vitamine D, et une corrélation entre le niveau de cette conversion et la nature du microbiote.

Le fait que les sujets soient âgés, donc plus concernés par l’insuffisance rénale, ne permet pas de conclure grand-chose, mais pose deux questions qui devraient nous interpeller :
– Le dosage du précurseur circulant est-il insuffisant pour établir le statut en vitamine D ?
– Peut-on dissocier le statut en vitamine D des autres facteurs de santé (nutrition, ensoleillement, microbiotes…) pour croire qu’il suffit de prendre une complémentation pour se protéger ?

Références :
1. Et si la supplémentation en vitamine D était souvent inutile, et parfois néfaste ?
2. R.L. Thomas & al : Vitamin D metabolites and the gut microbiome in older men  – Nature Communications 2020 vol. 11, Article: 5997

Vitamine C et supplémentation en fer, enfin la preuve expérimentale que c’est inutile !

C’est une recommandation classique : associer de la vitamine C aux complémentations en fer pour améliorer l’assimilation.
Une recherche bien conduite portant sur plus de 400 sujets (en grande majorité des femmes) n’a montré, après administration de 100 mg de succinate ferreux associé ou non à 200 mg de vitamine C per os, aucune différence significative sur les différents marqueurs du statut en fer [1]. La conclusion est claire, la vitamine C ne sert à rien concernant l’efficacité de cette complémentation, qui se révèle par ailleurs efficace pour améliorer le statut en fer de l’organisme (augmentation de 35 µg/ml de la ferritine en moyenne).

D’autres observations de l’étude sont éclairantes :
– Les effets secondaires du complément en fer ne sont pas majorés par la vitamine C, ce qui départage le débat entre ceux qui s’appuient sur des résultats in vitro pour dire que le fer dans ce contexte oxyde la vitamine C, et ceux qui prétendent que cela ne se produit pas in vivo.
– Seulement 20 % des participants ont ressenti des effets indésirables (maux d’estomac, les nausées et le reflux acide), qui se sont ensuite atténués dans la plupart des cas, et n’ont jamais conduit à un arrêt de traitement. Il semble dans les observations couramment rapportées par les médecins et pharmaciens que les mauvaises tolérances soient plus fréquentes, mais peut-être n’est-ce qu’une exagération en ne prenant en compte que les plaintes.

En fait, l’inutilité de la vitamine C s’explique très logiquement. Elle est nécessaire pour réduire de fer ferrique (3+) qui se trouve dans les aliments en fer ferreux (2+) assimilable. Pour tous les compléments contenant déjà du fer ferreux, cette transformation est inutile !
En revanche, donner du fer ferreux, et surtout à forte dose comme dans cette étude, est aberrant, puisque cette forme qui catalyse la réaction de Fenton est une bombe oxydative. L’intelligence de la biologie naturelle est d’apporter du fer inoffensif (3+) avec une transformation par la vitamine C juste pour le nécessaire, sans risque oxydatif.Il est aberrant également de donner une telle dose tous les jours puisqu’il a été montré qu’un mécanisme de protection limite l’assimilation après avoir reçu une quantité importante [2].

C’est pourquoi le bon sens voudrait que les supplémentations privilégient des apports à dose plus faible, tous les deux jours, ou une forme ferrique associée de la vitamine C. La spiruline qui contient les deux formes (2+ et 3+) répond en partie à cela. Comme elle ne contient pas de vitamine C, il semble utile de lui associer lorsque la recharge en fer est recherchée.

Références :
1. N Li & al : The Efficacy and Safety of Vitamin C for Iron Supplementation in Adults Patients with Iron Deficiency Anemia – JAMA Netw Open. 2020 ; 3(11)
2. D. Moretti & al : Oral iron supplements increase hepcidin and decrease iron absorption from daily or twice-daily doses in iron-depleted young women – Blood2015 22;126(17):1981-9

La vitamine D n’est pas le seul bénéfice du soleil !

Les liens maintes fois vérifiés entre des niveaux élevés de vitamine D dans le sang et une meilleure santé ont conduit à la croyance que le niveau de vitamine D était un facteur de santé. tout comme il y  quelques décennies, le lien entre cholestérolémie élevée et risque d’accident vasculaire avaient fait une cholestérol un facteur de risque majeur, hypothèse aujourd’hui largement invalidée.
Dans les deux cas, c’est le même piège de la pensée linéaire simpliste qui opère : une corrélation devient un lien de causalité avec le flèche dans le sens de la croyance.
Certaines données récentes vont dans le sens que comme pour le cholestérol, le niveau de vitamine D pourrait être un témoin, et pas seulement un facteur. Ce qui veut dire qu’une complémentation qui augmente le taux sanguin n’apportera pas les bénéfices d’un niveau naturellement élevé, tout comme une baisse du cholestérol sanguin sous traitement n’apporte pas les bénéfices d’un cholestérolémie naturellement basse.
Une publication suédoise vient d’apporter un élément nouveau à ce sujet. En évaluant minutieusement les effets de l’ensoleillement et du niveau de vitamine D sur le risque de sclérose en plaque,   il apparaît un effet protecteur net de l’ensoleillement indépendamment de la vitamine D, qui apporte aussi un bénéfice, mais plus modéré.
Une petite étude canadienne publiée en 2019 sur une vingtaine de femmes déficientes ou non en vitamine D, a monté qu’une exposition aux rayons UVB analogues à ceux du soleil, trois fois par semaine, conduisait en plus de l’augmentation du niveau sanguin de vitamine D à une augmentation de la diversité du microbiote, ce qui reconnu aujourd’hui comme un facteur de santé. Il serait intéressant, dans ce cas, de vérifier quelle est la part de la vitamine D dans ce changement, en comparant les effets d’une exposition au soleil à ceux d’une supplémentation en vitamine D.
Cela nous évoque qu’il est bien plus avantageux (et plus économique !) de s’exposer au soleil que de prendre des compléments de vitamine D, et ne pas s’alarmer d’un niveau de vitamine D sanguin sous-optimal (10-30 µg/l) si le temps passé au soleil est déjà important et si l’alimentation inclut les sources habituelles : poissons, oeufs, éventuellement produits laitiers.

Références :
AK Hedström & al : Low sun exposure increases multiple sclerosis risk both directly and indirectly – Journal of Neurology (2020) 267:1045–1052
ES Bosman & al : Skin Exposure to Narrow Band Ultraviolet (UVB) Light Modulates the Human Intestinal Microbiome – Front. Microbiol., octobre 2019