Chocolat et métaux toxiques : faut-il s’alarmer ?

Actualité du 6/01/23
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Parmi les plaisirs addictifs, le chocolat est celui qui a la meilleure réputation. Avec une faible proportion de sucres ajoutés, il est même considéré comme un atout santé, étayé pour cela par de nombreuses publications.
La présence de cadmium, à des niveaux variables selon l’origine du cacao, est connue depuis longtemps, avec une certaine discrétion.
La difficulté est qu’il est impossible de connaître le niveau de contamination de ce que l’on consomme, parce que les origines ne sont pas précisées sur les produits vendus, et que le cacao utilisé par les chocolatiers change probablement selon les aléas du marché.
La seule solution serait de faire un contrôle analytique sur les produits finis, ce qui d’un côté serait pour les autorités sanitaires reconnaître qu’il y a un problème avec les métaux (et mettre le doigt dans un engrenage imprévisible), et de l’autre mettre le doute sur les consommateurs.
Pour y voir plus clair, une organisation américaine de consommateurs, Consumer Reports, a analysé les teneurs en cadmium et en plomb de 28 tablettes de chocolat de diverses marques et les résultats confirment la grande hétérogénéité. Les produits biologiques ne sont pas plus sûrs. La seule marque courante en Europe testée (Lindt) contient des niveaux élevés de Cadmium et de plomb.
Alors que faire ?
La recommandation de consommer du chocolat pauvre en cacao (donc riche en sucre) est une solution qui crée un autre problème.
Il est plus logique en nutrition santé d’augmenter la diversité pour cumuler les avantages et diluer les inconvénients. Les produits antioxydants courants considérés comme source de plaisir n’ont pas les mêmes inconvénients : café (excitant déminéralisant), thé (fluor), vin rouge (alcool), cacao (cadmium, plomb)… Des quantités modérées de chacun cumulées contribuent à la défense antioxydante en limitant les inconvénients.

Références :
Article psychomédia
Analyse consumer reports

Mise à jour 28/12/23
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Un an après le rapport de Consumer Reports, les choses ont peu évolué.
Il est clair aujourd’hui que la présence de cadmium dépend de la zone de culture du cacao, et ce sont les origines latino-américaines (Équateur, Colombie…) qui posent le plus de problèmes.
Le plomb, très faible dans les fèves de cacao récoltées semble donc s’intégrer lors de processus qui conduisent à la formation de chocolat.
La réglementation adoptée en 2019 par l’union européenne et la suisse, protège en principe contre la commercialisation de cacao contenant des teneurs élevées en cadmium (> 0,8 mg/kg) mais comment cela peut-il s’appliquer concrètement ? La solution serait évidemment que les industriels du cacao fournissent une information analytique sur la teneur en Cadmium et plomb de leur produit fini, Actuellement, rien ne les y oblige et aucun ne le fait.
Dans la situation actuelle, il y a cependant peu de raison de s’alarmer. Les seuils fixés lors de l’analyse de Consumer Reports sont plus bas que ceux habituellement considérés, et la portion quotidienne estimée à 1/3 de tablette, ce qui amplifie le niveau d’alarme. Le cacao commercialisé en Europe provient majoritairement d’Afrique et soit répondre à une réglementation protectrice. Une consommation raisonnable, que l’on peut estimer à 20 g par jour(1/5 de tablette) est une garantie supplémentaire.

Référence :
Fèves de cacao: Exigences de qualité de l’industrie du chocolat et du cacao
Réglementation sur le cadmium et le plomb page 22-23

 

L’huile de colza toxique, une intox construite sur des amalgames

La mise en avant de la toxicité de l’huile de Colza qui se répand sur les réseaux sociaux remet-elle en cause sa préconisation comme huile d’assaisonnement en nutrition santé ?
Le colza résulte du croisement d’un chou et d’une navette, une autre espèce de brassicacées qui s’est produit naturellement il y a plus de 3 000 ans. Il est impossible de dire si cela s’est fait à l’état sauvage ou dans un potager. Dans tous les cas, ce n’est pas un croisement forcé. Il a été plus récemment sélectionné sous deux formes, le colza dont on récolte les graines pour faire de l’huile, le rutabaga dont la racine est consommée comme un navet.

L’huile de colza originelle contient de l’acide érucique (acide 13-docosénoïque, mono-insaturé en C22) dont la toxicité sur l’animal a été révélée dans les années 1960. Elle n’a jamais été vraiment confirmée, et l’EFSA reconnaît aujourd’hui un risque qui ne concerne que les enfants fortement exposés (1).
Suite aux révélations sur l’acide érucique, une démarche rigoureuse de sélection a isolé des variants qui ont été nommés canola au Canada (Canadian oil low acid) et colza 00 en Europe. Ce sont aujourd’hui les seules variétés cultivées pour la consommation humaine. Elles contiennent de faibles quantités d’acide érucique, obligatoirement inférieur à 2 %, généralement entre 0,1 et 0,5 %, et sont reconnues comme sécures.
Il existe aussi des variétés de colza oléique (colza 000 ou colza HOLL) qui sont riches en acides gras monoinsaturés, ce qui perd l’intérêt nutritionnel lié à la présence de polyinsaturés avec une proportion notable d’acide alpha-linolénique (oméga3).

La mauvaise réputation de l’huile Colza a commencé dans les années 1970, en mettant en avant la toxicité de l’acide érucique. Dans les années 1980, une mystérieuse série de morts en Espagne a été reliée à la consommation d’une huile de colza frelatée (2). Bien que ce soit la malfaçon qui ait induit la toxicité, la réputation du colza s’est entachée d’une couche supplémentaire.
Plus récemment, dans son blog bien documenté, l’américain Joseph Mercola, présente l’huile de canola, s’appuyant sur une étude sur les souris publiée dans Nature, comme un poison progressif qui dégrade la santé, notamment celle du cerveau et favorise la prise de poids. L’article ne précise pas le type d’huile de colza utilisée, qui est très probablement une production industrielle de type raffinée, avec tous les inconvénients de ce mode de production que l’on connaît.
Parmi les critiques, on trouve aussi le fait que lorsqu’elle est utilisée la cuisson, les oméga 3 sont dénaturés, ce qui est vrai, c’est la raison pour laquelle cette huile n’est pas une huile de cuisson.

En résumé, rien de nouveau qui contredise les préconisations de nutrition santé (4) : éviter toutes les huiles industrielles raffinées, et utiliser l’huile vierge de colza seulement pour les assaisonnements. Elle répond, pour un coût modéré, aux besoins en oméga 3 végétaux (acide alpha-linolénique)

Références :
1. EFSA : L’acide érucique, un risque sanitaire possible pour les enfants fortement exposés
2. La vérité sur le scandale de l’huile frelatée en Espagne
3. Joseph Mercola : Il a été prouvé que l’huile de canola détruit votre corps et votre esprit
4. Elisabetta Lauretti & Domenico Praticò : Effect of canola oil consumption on memory, synapse and neuropathology in the triple transgenic mouse model of Alzheimer’s disease – Nature , Scientific Reports, volume 7, Article 17134 (2017)
5. Nutrition Santé Essentielle

Risques liés aux Isoflavones de soja : des spéculations qui vont à l’inverse des données connues

Les isoflavones de soja ont-elles un effet œstrogénique de type perturbateur endocrinien ?
La question est débattue depuis longtemps, faisant l’objet le plus souvent de spéculations passionnelles et reposant sur des données partielles.

La recherche scientifique nous donne plusieurs points de vue éclairants :
– Catherine Bennetau-Pelissero, professeur en Sciences Animales et Nutrition-Santé à l’ENITA de Bordeaux, effectue des recherches approfondies sur les effets biologiques des phyto-estrogènes conclut que le soja a plutôt des effets bénéfiques, notamment s’il est consommé dès l’enfance, et les effets cancérogènes sont peu étayés alors qu’ils le sont davantage pour les lignanes (lin, sésame…).
– Hervé Berbille, ingénieur agroalimentaire, rectifie point par point les accusasions passionnelles contre le soja, affirmant même que consommé dès l’enfance, il active par voie épigénétique des gènes protectrice vis-à-vis des processus cancéreux hormono-dépendants
– Marc Messina et son équipe, auteur en 2009 d’une synthèse montant les effets globalement bénéfiques et l’absence de preuve du pouvoir cancérigène. La nouvelle synthèse parue en 2021, avec plus de 600 références, conclut que la consommation de soja n’affecte pas la fonction thyroïdienne et que les isoflavones de soja ne peuvent être classées comme perturbateur endocrinien. Le seul effet constaté est une légère augmentation de la durée du cycle menstruel.

Le risque de réactiver un cancer du sein après guérison repose sur des craintes et non sur des preuves, qui vont plutôt dans le sens inverse.
Le bon sens conduit malgré tout à rester sur une consommation raisonnable (pas plus de 1 produit par jour) et d’éviter, par précaution, de commencer une consommation régulière après la ménopause pour une femme qui n’en n’aurait jamais consommé avant. Les conséquences d’un changement mineur mais réel du climat hormonal sont alors imprévisibles.

Références :
1. Catherine Bennetau-Pelissero -Phyto-œstrogènes et santé : bénéfices et inconvénients, Lettre scientifique de l’IFN n°143, avril 20210
2. Interview Hervé Berbille
M. Messina et al. :  Neither soyfoods nor isoflavones warrant classification as endocrine disruptors: a technical review of the observational and clinical data  Crit. Rev. Food Sci. Nutr., mars 2021

L’aversion pour les choux expliquée par la biologie

Les choux de Bruxelles sont selon diverses enquêtes les légumes les plus détestés de la planète et particulièrement par les enfants. Les choux de manière générale n’ont pas vraiment la cote dans la recherche de plaisir gustatif, Cela n’est pas la même chose pour tout le monde. La génétique et le microbiote buccal y jouent un rôle important.
• D’abord il y a les glucosinolates, qui comptent une vingtaine de dérivés connus. Certains donnent une  saveur piquante (moutarde, radis). D’autres sont amers, notamment ceux des choux. Ce sont des précurseurs de composés particulièrement intéressants sur le plan nutritionnel comme le sulforaphane, ou plus encombrants comme la goitrine, facteur anti-thyroïdien, avec une balance globalement bénéfique si la consommation est modérée et l’apport en iode suffisant. Pour bénéficier de leur avantage nutritionnel, il vaut mieux supporter leur amertume, et nous ne sommes pas égaux de ce point de vue. Environ la moitié de la population n’est pas sensible à l’amertume des glucosinolates, alors que l’autre moitié la ressent fortement (+ 60% en intensité), et, de ce fait les apprécient plus difficilement (1).
• Un autre composé des choux, le S-méthyl-cystéine sulfoxyde, en présence d’une enzyme produite par certaines bactéries du microbiote buccal, donne des composés volatils à l’odeur nauséabonde, induisant une véritable aversion pour le choux (2).
Ne pas aimer les choux n’est donc pas, pour de nombreuses personnes, un caprice.

Références :
1. Helen Pearson : Distaste for sprouts in the genes, Nature, sept 2006
2.Damian Frank et al. In-Mouth Volatile Production from Brassica Vegetables (Cauliflower) and Associations with Liking in an Adult/Child CohortJ. Agric. Food Chem, sept.2021

Viande rouge et cancer, va-t-on enfin y voir clair ?

D’abord, il y a eu le rapport de l’IARC(1) publié par OMS qui a fait beaucoup de bruit : une augmentation significative du risque de cancer colorectal : + 18 % pour 50 g de viande rouge transformée/jour et  + 17 % cancer colorectal pour 100 g de viande rouge non transformée/jour.
La méthodologie ayant conduit à valider et quantifier le risque de cancers, une méta-analyse d’études d’observations, est contestée, et a fait l’objet de sévères critiques par des experts internationaux (2). Le niveau de preuve est jugé trop faible et les risques portent davantage sur des composants plus spécifiques : le fer héminique pour la viande rouge, les produits néoformés et le sel pour les viandes fumées, les additifs (nitrites) pour les charcuteries, avec un mécanisme polyfactoriel par combinaisons des différents facteurs présents. Le fait que le risque est plus élevé pour les viandes transformées va dans ce sens.
Une nouvelle recherche (3) apporte un élément nouveau, en identifiant chez des sujets atteints de cancer colorectal une signature mutationnelle spécifique liée à la consommation de viande rouge uniquement, transformée ou non. Cette signature est significativement élevée pour une consommation de 150 g/jour, et est corrélée à une augmentation de près de 50% de décès par cancer colorectal
L’histoire n’est peut-être pas terminée. Sans attendre la fin entrer dans la polémique, la nutrition santé et les valeurs éthiques et écologiques nous disent clairement que :
– La viande rouge n’est pas un aliment indispensable et en cas de consommation, 2 fois par semaine semblent un seuil maximal.
– Les produits de base sont toujours plus intéressants nutritionnellement que les produits transformés (en dehors des processus de fermentation)

Références :
1. Centre international de recherche sur le cancer ou International Agency for Research on Cancer (IARC), agence de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) – www.iarc.fr
2. Consortium NutriRECS – BC Johnston – Ann Intern Med. , 2019 – Commentaire de Laurent Buhler 
3. Carino Gurjao & al : Discovery and Features of an Alkylating Signature in Colorectal Cancer – Cancer Discovery août 2021

La composition des aliments : trop complexe pour être connue

La science matérialiste et réductionniste modélise la matière vivante et propose une connaissance approfondie de sa structure et de ses fonctions. Les modèles sont tellement perfectionnés que nous finissons par oublier que ce ne sont que des modèles, et ainsi nous les prenons pour vrai. Ils ne sont cependant pas la réalité, qui est trop complexe pour être modélisée par le mental humain et ses outils actuels.
L’un des domaines où nous sommes facilement pris au piège est la composition des aliments, que nous trouvons avec des chiffres généralement précis dans diverses tables. Prendre pour vrai des tableaux de composition serait oublier deux choses :
– Les aliments naturels ne sont pas homogènes comme des produits industriels, et selon les échantillons analysés, les résultats ne sont pas les mêmes. On comprend ainsi que pour un même aliment, les résultats diffèrent selon les sources. Une table comme Ciqual est la meilleure qualité que l’on peut trouver aujourd’hui, avec des fourchettes entre minima et maxima obtenues dans diverses études, l’indication des sources, et un indice de fiabilité de la moyenne annoncée.
– Les nutriments dont la teneur est annoncée ne sont qu’une partie de la composition. Dans l’idéal, il faudrait y ajouter toutes les structures connues et dosables, soit environ 150. Et cela ne serait pas encore au niveau de la réalité. Les évaluations actuelles estiment à plus de 26 000 ne nombre de structures différentes que l’on peut trouver dans les aliments !
Un article paru dans Nature food emploie le terme de manière noire de l’alimentation, prenant l’exemple de l’ail dans lequel 2 306 composés chimiques distincts sont à ce jour identifiés. Le rôle de cette matière noire dans les conséquences biologiques de l’alimentation est-il négligeable, comme cela nous arrange de le croire pour conforter la valeur de nos modèles ?
Les auteurs de l’article proposent d’établir, comme on le fait pour les génomes, des cartographies aussi complètes que possible des aliments (foodome). La technologie ne permet pas actuellement de lancer un tel programme. Elle pourra sans doute le proposer prochainement. Est-ce utile ?
Selon un principe majeur la nutrition santé : la diversité alimentaire répond à tous les besoins, cumule les avantages et dilue les inconvénients des divers aliments disponibles. Une telle démarche, vu les moyens demandés et la valeur relative des résultats qu’elle obtiendra semble donc bien peu pertinente.
Quand la science lâchera-t-elle son obsession de tout connaître pour tout contrôler ? Le monde vivant n’a pas attendu la connaissance humaine pour développer une organisation bien plus fonctionnelle que notre technologie high tech. L’observation, les acquis traditionnels, et ce que la science a développé jusqu’à ce jour ne sont-ils pas suffisants pour choisir une alimentation optimale ?

Ref : A. Barabási, G Menichetti & J.Loscalzo : The unmapped chemical complexity of our diet – Nat Food 2020, 1 : 33–37

La consommation de poisson a-t-elle un effet préventif sur les maladies chroniques ?

Il y a les études cliniques, les revues qui font la synthèse de plusieurs études, les méta-analyses qui font la même chose avec un calcul statistique, et les « umbrella reviews » (revues parapluie), des revues de revues, qui ont pour objectif d’être aussi synthétique que possible sur les données de la recherche sur un sujet précis.
Avec une umbrella review reprenant 34 méta-analyses sur le lien entre consommation de poissons et maladies chroniques, va-t-on être fixé sur le sujet ? Qui des bénéfices nutritionnels ou des inconvénients liés aux polluants va l’emporter ?
En fait, la revue conclut que la consommation d’environ 100 g de poissons par jour a un léger effet bénéfique sur la prévention de maladies.
En fait, une telle revue ne différencie pas la nature des poissons consommés, et il est évident que le choix de poissons gras peu pollués n’a pas le même impact que celui des poissons contaminés par les polluants et pauvres en lipides (donc moins intéressants pour l’apport d’oméga3).
De telles études en fait nous éclairent bien peu. Ce qui détermine la santé en nutrition n’est pas le choix des types d’aliments mais le respect des besoins en nutriments et de certains ratios entre eux, ainsi que la qualité des produits alimentaires. Quand cette qualité de produit est respectée, la meilleure garantie est la diversité qui cumule les avantages et dilue les inconvénients.
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Référence : Ahmad Jayedi & Sakineh Shab-Bidar : Fish Consumption and the Risk of Chronic Disease: An Umbrella Review of Meta-Analyses of Prospective Cohort Studies – Advances in Nutrition, mars 2020 – Accès au résumé