Les tests respiratoires sont-ils utiles pour le diagnostic du syndrome du côlon irritable ?

Le syndrome du côlon (ou de l’intestin) irritable, SII ou IBS (irritable bowel syndrome) diagnostiqué selon les critères de Rome touche selon les estimations 4 à 10 % de la population. Il n’y a pas de modèle physiopathologique clair, on connaît seulement les facteurs qui contribuent à sa manifestation dans une causalité polyfactorielle : hypersensibilité viscérale, perturbation des interactions intestin-cerveau notamment liée aux états de stress ou d’anxiété, désynchronisation de la motilité gastro-intestinale et altérations du microenvironnement intestinal, notamment du microbiote. Les ballonnements sont liés à un défaut d’évacuation des gaz lié ou non à un excès de production.
Les tests respiratoires qui mesurent l’augmentation de l’élimination de gaz (hydrogène et méthane principalement) après administration de glucose (75 g) ou de lactulose (10 g), sont de plus en plus préconisés comme technique non invasive de diagnostic des troubles fonctionnels intestinaux.

Une revue systématique des bases de données Medline et Cochrane a rassemblé 10 articles sur l’intérêt des tests respiratoires dans le diagnostic du SII (1). Il en ressort que :
– Le test au lactulose est nettement plus performant que celui au glucose, et la mesure de l’hydrogène expiré plus performante que celle du méthane.
– Le test au lactulose est positif dans environ 50 % des SII, sans corrélation entre la quantité d’hydrogène mesuré et la sévérité des symptômes. Le test au méthane est positif dans environ 1/3 des SII. Le % de tests positifs chez des sujets sans SII n’étant pas déterminé, il est impossible de définir une valeur diagnostic, qui compte tenu des données déjà disponibles est forcément faible.

En fait, les tests respiratoires mesurant les gaz de fermentation sont avant tout corrélés avec une prolifération microbienne dans l’intestin grêle (SIBO), qui est présente dans certains syndromes du côlon irritables, sans en être une composante constante.
Toute la question est alors de définir l’intérêt pathologique du SIBO, qui n’est pas consensuel.
Les inconforts digestifs assimilables au syndrome du côlon irritable, avec ou sans diagnostic selon les critères de Rome, sont multifactoriels et ont avantage à être pris en charge dans une démarche intégrative qui considère la santé intestinale, l’alimentation et les aspects psychologiques. Elle associe un accompagnement de fond à visée durable sur le mode de vie, et des traitements naturels (phytothérapie et l’aromathérapie) pour soulager les symptômes lors des crises.

Référence :
1. Valencia Ru-Yan Zhang & al : Volatile organic compounds as potential biomarkers of irritable bowel syndrome: A systematic review – Neurogastroenterology & Motility mars 2023

Les laves vaisselles intensifs des collectivités sont potentiellement toxiques pour nos intestins

Pour agir efficacement sur des cycles très courts (de quelques minutes), les lave-vaisselle professionnels utilisés dans la restauration et les cantines, agissent en trois temps : lavage à l’eau chaude en présence de détergents sous pression, puis rinçage avec divers agents chimiques, et séchage.
Du point de vue fonctionnel, c’est parfait. Le souci est que les agents de rinçage ne sont pas complètement éliminés, et parmi eux, les d’éthoxylates d’alcool (et peut-être à un degré moindre d’autres substances) ont une action toxique sur la muqueuse intestinale, avec une inflammation qui perturbe sa régénération. En clair, cela favorise l’atrophie et la perméabilité intestinale, dont on connaît aujourd’hui le rôle favorisant sur de nombreuses maladies chroniques.
L’expérimentation effectuée a testé les produits utilisés dans les lave vaisselle à très forte dilution, restituant le niveau de résidus que l’on peut trouver dans les assiettes, et constaté des effets toxiques.
Les produits de lave-vaisselle utilisés par les particuliers sont différents, et ne sont pas concernés par cette étude.

Référence :
I. Ogulur &t al.: Gut epithelial barrier damage caused by dishwasher detergents and rinse aids – The Journal of Allergy and Clinical Immunology, décembre 2022.

 

Des aliments fermentés plutôt que des probiotiques en prévention

L’importance du microbiote intestinal dans la santé générale est aujourd’hui largement reconnue. Penser probiotiques pour l’améliorer est un réflexe très allopathique qui arrange bien tout le business existant autour de ces produits. Cependant, comme toute solution allopathique, ils ne sont intéressants que ponctuellement, sur des indications ciblées (1).
En prévention, ou en soutien de la fonction digestive lors d’une maladie chronique ou d’une cure de régénération intestinale, il est plus intéressant et bien plus économique d’apporter des ferments par des produits alimentaires qui en contiennent : kéfir (de lait ou de fruit), kombucha, légumes lactofermentés. L’intérêt de ces produits est qu’ils apportent un grand nombre de micro-organismes différents, qu’ils peuvent être consommés régulièrement comme des aliments et que certains peuvent être préparés artisanalement pour un coût dérisoire (2,3). Une alimentation globalement riches en fibres reste une base incontournable.
Leur bénéfice, supposé par le bon sens et l’expérience, commence à s’étayer par des publications.
Quelques exemples :
– Une alimentation favorable au microbiote intestinal modulent le statut immunitaire humain (4)
– Des chercheurs de Stanford ont montré que consommer des aliments fermentés tels que le kimchi, le kéfir, le kombucha… augmente la diversité des microbes intestinaux, qui est associée à une meilleure santé (5).
– Le kéfir a une action similaire aux probiotiques (6)

Références :
1. Microbiote intestinal : comment simplifier la complexité par l’essentiel
2.Préparation des légumes facto-fermentés
3. Préparation du kéfir de fruits
4. Hannah C Wastyk & al : Gut-microbiota-targeted diets modulate human immune status – Cell . Août 2021, 184 (16) :4137-4153
5. Stanford Medicine News 2021 07 Fermented foods reduce inflammatory markers
6. Susy Érika de Lima Barros et al. Potential beneficial effects of kefir and its postbiotic, kefiran, on child food allergyFood Funct. 2021, Advance Article

Akkermansia muciniphila (AM) : quel destin pour la star du microbiote ?

Cela fait quelque temps que les propriétés d’Akkermansia muciniphila, quand cette bactérie est abondante les intestins font rêver (1) :
– Modulation de la perméabilité intestinale,
– Diminution de l’inflammation au niveau du tube digestif,
– Amélioration du métabolisme glucidique et lipidique.
La quantité dans les microbiotes varie d’un facteur 1 à 1000.
Un niveau faible est plus fréquemment retrouvé chez les personnes souffrant d’obésité, de diabète, de syndrome métabolique, de pathologies inflammatoires intestinales ou hépatiques, de psoriasis…
Un niveau élevé a été observé chez les centenaires en bonne santé.
C’est comme si on avait trouvé la panacée qui oriente résolument vers la santé optimale.

Depuis 2018, des tests PCR permettent  la détermination la présence d’AM, en nombre de génome par gramme de selles (2). Ils ne figurent cependant pas actuellement au catalogue des laboratoires analysants le microbiote.
En 2021, L’EFSA, l’agence européenne de sécurité alimentaire, a donné un avis positif comme complément alimentaire (3).

La prochaine étape est la commercialisation d’un probiotique. Elle se fait attendre de façon surprenante vu que les bénéfices de cette bactérie sont connus depuis plusieurs années. Problème technique ? Stratégie commerciale pour une poule aux œufs d’or qu’il faut préserver ?
L’avenir nous dira comment se produit arrivera sur le marché, quels effets immédiats il pourra donner, et quel bénéfice à long terme pourront être validés.

Le raisonnement qui part d’une corrélation entre un paramètre (abondance d’AM dans le microbiote) et des bénéfices santé sur la base d’analyse génomique dans les selles pour conduire à une supplémentation par un probiotique oublie que la complexité du vivant ne suit pas toujours la logique linéaire de la médecine technologique :
– Les analyses de microbiote dans les selles sont à relativiser : les bactéries éliminées ne reflètent pas forcément celles qui sont actives au niveau de l’intestin (4)
– La corrélation entre AM et santé ne veut pas dire relation de cause à effet. Le développement de la bactérie pourrait aussi être la conséquence d’un terrain biologique favorable qui précède son apparition.
– Une bactérie apportée par un probiotique ne réensemence pas un microbiote. Si elle apport un bénéfice, pour maintenir ce bénéfice, il faut la prendre en continu.

En fait, il s’établit un équilibre entre la physiologie globale d’un organisme, ses échanges avec l’environnement et son microbiote intestinal, dans les limites du développement de celui-ci pendant l’enfance. Prendre un probiotique entre dans les échanges environnementaux. Quand la prise s’arrête, on retrouve généralement la situation d’avant la prise. La clef de la santé par le microbiote est un mode de vie qui favorise la diversité de celui-ci, bien avant la prise de probiotique qui n’est pas une démarche durable.

Références :
1. H. Plovier & P.D. Cani : Akkermansia muciniphila, une bactérie pour lutter contre le syndrome métabolique. Optimisation des effets bénéfiques et évaluation de la sûreté chez l’homme – Med Sci (Paris). 33(4): 373–375.
2. Recherche d’Akkermansia dans les selles 
3. Akkermansia muciniphila : un avis positif de l’EFSA en tant que novel food
4. Biologie Médicale intégrative

Certains édulcorants en cause dans l’aggravation de la perméabilité intestinale…

L’étude publiée dans Nutrient relate une expérience effectuée en laboratoire sur culture cellulaire et sur animal (souris) avec une conclusion claire : trois édulcorants de synthèse sucralose, aspartame et saccharine, à des degrés divers, ont un effet physiologique sur les entérocytes, consécutif à l’action sur les récepteur de goût sucré T1R3. Cela se traduit à faible dose par une accroissement de la perméabilité, à forte dose par la mort par apoptose de certaines cellules épithéliales.
Au-delà d’une confirmation du caractère néfaste des édulcorants de synthèse, qui ont déjà un dossier assez chargé, la publication invite à quelques réflexions dans une vision plus large :
– La perméabilité est posée dans cet article de recherche crédible, comme dans d’autres, comme un phénomène bien réel ayant des conséquences physiopathologiques, alors qu’en médecine, il n’est pas à ce jour considéré comme un facteur de risque à prendre en compte en prévention.
– Après le dioxyde de titane et peut-être d’autres produits à venir, il semble que l’impact des xénobiotiques utilisés comme additif alimentaire sur la muqueuse intestinale contribue, avec de multiples autres facteurs, à accroitre cette perméabilité dont on découvrira peut-être, un jour, quelle est un facteur majeur d’une dégradation de santé qui fait glisser vers les maladies chroniques. Et nous n’avons pas besoin d’attendre d’avoir la liste complète des coupables identifiés pour intégrer que ces additifs que l’on ne trouve que dans les produits ultratransformés sont non seulement inutiles, ils sont aussi potentiellement néfastes.
– La mise en cause des édulcorants de synthèse n’est pas une caution aux édulcorants naturels (stévia, xylitol..) , qui certes n’ont pas de toxicité (ou du moins pas comparable), mais qui restent des perturbateurs de messagerie biologique, avec des conséquences que l’on peut difficilement mesurer.
– Est-il préférable de consommer du sucre ou des édulcorants ? La question conduit à des avis divers. Tout dépend de l’objectif recherché. Pour quelqu’un qui veut sortir de la dépendance sucrée de manière durable et respectueuse des mécanismes naturels, l’utilisation des faux signaux avec les édulcorants, qu’ils soient synthétiques ou naturels, est une entreprise risquée.

Source : Aparna Shil & al :  Artificial Sweeteners Disrupt Tight Junctions and Barrier Function in the Intestinal Epithelium through Activation of the Sweet Taste Receptor, T1R3 – Nutrients juin 2020, 12(6) : 1862