Les nitrites ont plutôt mauvaise réputation et sont désormais montrés du doigt dans les charcuteries.
Non toxiques par eux-mêmes, ils sont utiles au bon fonctionnement physiologique, et ne deviennent néfastes que s’ils sont transformés en nitrosamines.
Comment éviter le risque sans priver l’organisme d’un apport qui lui est bénéfique ?
Quelques notions de métabolisme sont nécessaires pour comprendre la complexité de cet ensemble.
• Les nitrates peuvent être réduits en nitrites dans la bouche, au contact de la flore buccale, c’est pourquoi la salive en contient. Dans l’organisme, les nitrites sont des précurseurs de l’oxyde nitrique, un médiateur physiologique utile.
• Les nitrosamines, dont le N-nitrosodiméthylamine (NDMA), se forment partir des nitrites, soit in vivo, sous l’effet de l’acidité de l’estomac quand la protection antioxydante de l’organisme est insuffisante, soit in vitro, on parle dans ce cas de nitrosamines préformés. Les sources de nitrosamines préformées sont non alimentaires : fumée de tabac, pollutions industrielles et alimentaires. Les alimentaires qui en contiennent sont des produits riches en nitrates, ou additionnés de nitrites qui subissent une transformation : fumage, séchage, saumure (viandes, poissons). Les viandes rouges qui contiennent de l’hème favorisent la transformation de nitrites en nitrosamines. On en trouve aussi en très faible quantité dans la bière et le whisky, du fait de leur processus de préparation.
La physiopathologie liée à ces dérivés se résume en quelques points :
• Les enfants de moins de 1 ans ont une sensibilité particulière aux nitrites, capables de transformer l’hémoglobine en méthémoglobine, avec une réduction de la capacité de transport de l’oxygène (maladie du bébé bleu). Tous les aliments riches en nitrites et nitrates sont donc à éviter avant 1an.
• L’oxyde nitrique a un effet vasodilatateur qui favorise l’oxygénation de certains organes, dont le cœur et le cerveau. Il améliore l’efficacité des mitochondries, avec un effet remarquable sur le rendement énergétique de la cellule et sa cytoprotection, ce qui accroît les performances de l’organisme (1).
• Les nitrosamines sont des cancérogènes avérés pour les diverses espèces animales sur lesquels ils ont été testés, avec un risque fort probable chez les humains (2).
• Plus anecdotique, le lien entre consommation de nitrates et nitrites a été évalué pour le risque de cancer de la thyroïde. La seule corrélation positive concerne les nitrates (et non les nitrites) et seulement pour la population masculine (3) . Il s’agit d’une simple corrélation, non confirmée. Doit-on pour autant limiter la consommation de légumes riches en nitrates chez les hommes ?
Finalement les choses sont assez claires.
• Les nitrosamines préformées sont potentiellement toxiques alors que les nitrites sont favorables dès lors qu’ils n’ont pas la possibilité d’être transformés en nitrosamines. Pour cela, il est préférable qu’ils soient apportés sous formes de précurseurs par les nitrates par les végétaux, avec une bonne protection antioxydante qui est également favorisée par l’alimentation végétale.
• Concrètement, les légumes qui concentrent les nitrates sont donc bénéfiques : radis, betterave, épinard, laitue, blette, mâche, céleri, navet, carotte, petit pois, haricot vert. Le fait qu’ils soient biologiques ou non ne change rien, les nitrates, même non ajoutés en engrais, sont présents dans le sol et ces légumes les concentrent par nature.
• Les viandes et poissons additionnés de nitrites et transformés (séchés, fumés) sont les aliments les plus à risque, et donc à éviter. Et leur chauffage à haute température est à proscrire.
Un rapport de l’EFSA définissant les doses journalières admissibles de nitrates et nitrites se veut rassurant, en dehors de consommations abusives de viandes transformées, et en étant plus prudents chez les enfants [4].
Finalement, le jambon rose de l’industrie agroalimentaire actuellement décrié est un produit peu recommandable du fait sa nature ultra-transformée, mais ses nitrites ne présentent pas de danger particulier. L’appellation sans nitrites mise en avant n’est donc, pas par elle-même, une garantie suffisante de qualité.
Références :
1. Nitrates nitrites et mitochondries
2.Nitrosamines : exposition humaine et cancers
3. B.A. Kilfoy & al : Dietary nitrate and nitrite and the risk of thyroid cancer in the NIH-AARP Diet and Health Study. International Journal of Cancer, july 2011.
4. Nitrates et nitrites – Rapport EFSA