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Le lien entre le fer et la santé humaine est complexe. On sait depuis longtemps que la carence sévère est une cause d’anémie. Un statut déficient moins prononcé est associé à d’autres situations pathologiques, sans anémie manifeste.
La fréquence de cette déficience révélée par des examens sanguins sensibles invite à complémenter de manière préventive, alors que chez certains sujets, c’est l’excès qui est problématique, et dans ce cas, la complémentation est dangereuse !
Parfois, lors de déficiences, les complémentations répétées ne corrigent pas le déficit révélé par l’analyse biologique, et celui-ci semble alors insoluble.
Cette complexité laisse parfois démuni et certaines recommandations ou prescriptions établies avec une connaissance incomplète du sujet sont contestables.
Les nombreuses données actuellement disponibles permettent cependant de considérer le fer avec une vision pragmatique, donnant des orientations claires pour éviter les risques et favoriser la santé à long terme.

Le métabolisme très spécifique du fer

Les minéraux nécessaires à la biologie des organismes ont un métabolisme précis, qui permet d’optimiser les apports, éviter les excès et assurer le stockage si besoin.
Les mécanismes qui règlent les entrées et sorties du fer sont d’une grande complexité. Les divers processus impliqués semblent parfois contradictoires, alors que leur ensemble cohérent tend à répondre à deux objectifs complémentaires : limiter les entrées et conserver ce qui a été assimilé.
L’organisme se protège contre l’excès de fer en limitant ce qui entre, et comme ce contrôle à l’entrée est relativement efficace, il n’a pas prévu de moyen d’élimination des excès. Pour des raisons qui nous échappent et qui peuvent éveiller une imagination symbolique, la biologie a choisi garder longtemps les mêmes atomes de fer dans la structure vivante, plutôt que les renouveler.
Il y a plusieurs conséquences à cela :
– Les pertes excessives de fer sont liées à des pertes d’intégrité de la structure corporelle (hémorragies). Dans le cas d’une hémolyse, la décomposition accélérée de l’hémoglobine libère du fer qui sera retenu par la barrière rénale et donc recyclé.
– Les déficiences et les excès sont certes liés aux apports, et aussi, de manière plus importante qu’on le pense généralement, aux processus d’assimilation dont les mécanismes d’ajustement peuvent se dérègler.

Deux types d'apports alimentaires

Il existe deux formes très différentes de fer dans les aliments : héminique et non héminique.
– Le fer héminique est inclus dans une structure protéique (hémoglobine, myoglobine). On le trouve dans les produits animaux contenant du sang ou du muscle : le boudin noir et les viandes rouges. 25% de cette forme-là est assimilable, ce qui est élevé pour du fer, avec un passage dans le sang peu influencé par les autres facteurs alimentaires et les processus de régulation. C’est pourquoi on dit parfois que ces sources de fer sont les meilleures, alors qu’elles semblent aussi les plus néfastes !
– Le fer non héminique provient des végétaux où il se trouve principalement sous forme oxydée (ferrique = Fe3+), assimilable à un niveau faible (de l’ordre de 5%), suivant un mécanisme complexe sensible à la composition du bol alimentaire, et ajustable pour accroître ou réduire le passage en cas de manque ou d’excès. C’est un apport moins efficace, mais plus sécure.

Le lien entre végétarisme et déficience en fer fait l’objet d’un débat partisan et souvent stérile. Les faits sont clairs : il est tout à fait possible de répondre aux besoins en fer uniquement avec les végétaux, plus ou moins facilement selon les capacités d’assimilation. Il est certes plus aisé d’améliorer le stock de fer en consommant du fer héminique (viandes rouges, boudin noir), mais les problèmes posés par ces aliments en excès semblent liés à cette forme particulière de fer ! Préconiser de consommer davantage de fer héminique en cas de déficience n’est sans doute pas la meilleure solution !

Assimilation digestive du fer

La clef majeure de régulation du statut en fer de l’organisme est l’absorption intestinale de la forme non héminique, d’origine végétale. 
Pour être assimilé, le fer initialement ferrique (Fe3+) doit être réduit en forme ferreuse (Fe2+). La vitamine C permet cette transformation et favorise donc l’assimilation du fer végétal alors qu’elle est sans utilité pour les compléments par voie orale qui apportent du fer directement sous forme ferreuse.
D’autres facteurs alimentaires influent en amont sur l’assimilation : la présence de phytates (présents dans les céréales complètes et les légumineuses) ou de polyphénols du thé vert ou du café. Cette inhibition par fixation qui séquestre le fer n’est active que si les nutriments en cause sont présents dans le bol alimentaire. C’est pourquoi chez les personnes sensibles à la déficience en fer, le thé vert et le café doivent préférentiellement être dissociés des repas. C’est bien le thé vert (et non le noir) qui est le plus concerné, car les facteurs inhibiteurs sont aussi les antioxydants qui par ailleurs font l’intérêt santé du produit ! Inversement, la consommation d’alcool semble favoriser l’assimilation du fer, puisqu’en cas d’alcoolisme chronique, la surcharge est constante.

Le mécanisme complexe qui permet le passage du fer végétal dans le sang est soumis à une régulation très précise, pouvant accroître l’efficacité ou la diminuer en fonction des besoins. Il fait intervenir diverses structures dont l’hepcidine. Quand ce mécanisme fonctionne de manière optimale, l’assimilation diminue quand les besoins sont satisfaits (pour éviter les excès) et augmente en cas de déficit ou d’accroissement des besoins. On comprend mieux ainsi certains phénomènes importants en physiopathologie :
– Dans l’hémochromatose primitive, c’est un dérèglement spontané de cette régulation, d’origine génétique, qui laisse entrer trop de fer et conduit progressivement à la surcharge.
– Lors de la grossesse, le climat hormonal favorise un accroissement de l’assimilation pour répondre à l’augmentation des besoins. Il n’est donc pas utile d’augmenter les apports en proportion, et une femme non déficitaire en début de grossesse ne le deviendra en principe pas s’il n’y a pas d’erreur alimentaire. C’est pourquoi le dépistage par dosage de ferritine se fait idéalement au début de la grossesse.

Le mécanisme sophistiqué de régulation par l’assimilation fonctionne de manière optimale si l’architecture de la muqueuse intestinale est suffisamment respectée, ce qui est rarement le cas, avec des conséquences variables selon chacun. Il n’y a pas de données suffisantes pour être affirmatif en ce domaine : c’est l’expérience qui montre régulièrement que certaines déficiences ne sont pas corrigées par la complémentation, alors que la prise en charge de l’atrophie intestinale peut conduire à une remontée de la ferritine sans apport complémentaire. 

Cette observation permet aussi de comprendre que les déficiences fréquemment constatées dans les pathologies neuro-fonctionnelles (syndrome fibromyalgique, syndrome des jambes sans repos, troubles de déficit de l’attention de l’enfant…), sont aussi associées à une atrophie intestinale, des intolérances alimentaires et/ou une candidose digestive chronique. Le déficit en fer révélé par un examen biologique n’est peut-être dans ce cas qu’un révélateur du dysfonctionnement intestinal. Il serait alors bien plus avantageux de traiter l’atrophie intestinale que de complémenter en fer.

Métabolisme et répartition du fer dans l’organisme

Le fer pénètre dans les entérocytes sont forme ferreuse (Fe2+), puis se réoxyde en forme ferrique (Fe3+). Il circule dans le sang, transporté par la transferrine, ou se stocke dans la ferritine s’il se trouve en excès.
Il se répartit ensuite dans l’organisme avec une compartimentation précise, de manière à être disponible en quantité adéquate là où il exerce sa fonction.
La ferritine reflète le niveau du stock global de fer de l’organisme. Elle le libère facilement en cas de besoin. Lorsque l’excès dépasse un certain seuil, il est inclus de manière peu réversible dans une autre structure, l’hémosidérine, qui s’accumule et traduit un véritable état de surcharge.
L’élimination urinaire est très faible, environ 1 mg par jour, ce qui correspond à la quantité assimilée en situations habituelle. Cette quantité éliminée correspond à une saturation du mécanisme, il n’y aura donc pas de possibilité d’éliminer un excès par cette voie !

Fonctions biologiques du fer

L’équilibre en forme ferrique (Fe3+) et ferreuse (Fe2+) est complexe, et la conversion peut se faire dans les deux sens dans divers contextes. Fe3+ ne présente pas d’effet néfaste majeur, tandis que Fe2+, la principale forme fonctionnelle, est aussi un fort catalyseur de la réaction de Fenton qui active le stress oxydatif.
La plus grande partie du fer est incorporée dans l’hème qui entre ensuite dans les structures héminiques (hémoglobine, myoglobine, cytochromes).
Il intervient aussi comme co-facteur de diverses réactions enzymatiques, notamment la tyrosine monooxygénase qui permet la synthèse des catécholamines.
Le couple Fe3+/Fe2+ intervient dans le transfert des électrons de la chaîne respiratoire.

Examens biologiques

Plusieurs paramètres dosables dans le sang renseignent sur le statut en fer, avec des intérêts très inégaux, parfois complémentaires, de l’information fournie.
– Le fer sérique, très peu sensible aux stocks de l’organisme et très sensible à l’inflammation n’a aucun intérêt diagnostic. Complémenter sur la base d’un fer sérique abaissé est une erreur qui ne devrait plus être commise !
– La transferrine varie de manière inverse au statut en fer. Elle est moins sensible que la ferritine, mais non modifiée par l’inflammation. La capacité totale de fixation du fer (CTF) est une méthode de détermination de la transferrine désormais obsolète.
– Le coefficient de saturation de la transferrine (CSTf) est un calcul à partir du fer sérique et de la transferrine. Plus sensible que le transferrine seule, mais faussée par l’inflammation qui baisse le fer. Transferrine et CSTf sont préconisés pour dépister l’hémochromatose (cf. tableau ci-dessous), avant confirmation si besoin par un bilan plus complet.
– La ferritine sérique est aujourd’hui le marqueur courant pour le dépistage des déficiences. Il est difficile de donner une norme applicable à tous, certaines personnes semblant avoir naturellement des niveaux plus bas que d’autres sans que ce soit problématique. On considère classiquement qu’elle doit être supérieure à 20 µg/l. Certains auteurs estiment qu’il y a déficience si elle est < 50 µg/l, ce qui est discutable si cette interprétation débouche sur une complémentation sans autre signe.
La sensibilité de la ferritine sérique à l’inflammation et à la cytolyse hépatique, deux situations qui augmentent sa concentration sanguine, en fait un marqueur peu intéressant de l’excès, c’est pourquoi on ne l’utilise pas en dépistage de l’hémochromatose, dans laquelle elle est certes élevée, mais de manière peu spécifique.
– La ferritine intra-érythrocytaire semble plus intéressante, mais plus difficile à réaliser, avec donc un coût plus élevé.
– Le dosage des récepteurs solubles de la transferrine (RSTf) est plus sensible que celui de la ferritine, sans être sensible à l’inflammation. C’est un paramètre récent encore peu pratiqué, qui pourrait devenir un marqueur essentiel de demain marqueur de demain. Comme la transferrine, son évolution est inverse au stock de fer, il augmente en cas de déficience.
– L’hepcidine, molécule centrale de l’homéostasie du fer est désormais dosable, avec en 2021 un manque de standardisation des techniques. Si elle vient s’ajouter au bilan du fer, il conviendra de bien préciser quelle information supplémentaire elle apporte, afin de ne pas compliquer les choses jusqu’à les rendre confuses.

Récapitulatif des examens les plus pertinents suivant l’objectif

Objectif

Paramètre optimal

Interprétation

Détecter une surcharge en fer (dépistage hémochromatose)

Transferrine

< 2 g/l (alerte dès < 2,2 si sujet jeune)

CSTf

> 40 % (femme)

> 50% (homme)

Dépister une déficience en fer en pratique courante

Ferritine

< 20 µg/l (femme)

< 30 µg/l (homme)

Évaluation sensible d’une déficience

RSTf

selon les normes du laboratoire

Déficience

La déficience en fer est liée à :
– Un manque d’apport,
– Un défaut d’assimilation (défaillance de la fonction intestinale)
– Une perte non physiologique (hémorragie).
Au-delà d’un certain seuil, le manque de fer limite la synthèse d’hémoglobine et conduit à une anémie dans laquelle les globules rouges ont une taille diminuée (microcytaire).
En deçà de ce seuil, la déficience affaiblit certaines fonctions métaboliques, ce qui peut se manifester par de la fatigue et un affaiblissement neurologique. On comprend ainsi le lien avec les pathologies neuro-fonctionnelles.
Il est souvent abusif d’attribuer les signes observés à la seule déficience en fer objectivée par un examen biologique (ferritine, RStf), il est cependant clair qu’elle peut y contribuer.

Surcharges

Il existe diverses causes de surcharge en fer. Elle s’installe lorsque l’organisme ne peut éliminer un excès provenant d’un surplus d’assimilation ou d’une pénétration forcée. Mettre fin à la source de l’excès, associée si besoin à des saignées curatives, permet dans le meilleur des cas d’éliminer l’excès. La situation est plus délicate si l’organisme se retrouve en excès de fer libre (potentiellement néfaste) par une mauvaise répartition du fer dans les divers compartiments de l’organisme. Cette situation est à ce jour une hypothèse qui pourrait éclairer diverses observations.

Dans l’hémochromatose, l’excès d’assimilation est constitutionnel, suite à une anomalie génétique et conduit à une surcharge par accumulation. La maladie est relativement fréquente (environ 1/300), avec une prévalence plus forte dans certaines régions comme la Bretagne.
Une fois la maladie connue, la prévention d’un stockage cumulatif de fer qui va progressivement affaiblir l’organisme est prioritaire. On limite alors les apports en appliquant les mesures appliquées aux situations de déficience en mode inversé : éviter les aliments riches en fer, réduire l’assimilation par le thé vert ou le café en cours de repas. Les saignées curatives contribuent efficacement à la diminution du stock qui est dans ce cas l’objectif recherché.
Le dépistage n’étant pas effectué de manière systématique, malgré son coût très modéré, la fréquence de l’hémochromatose primitive conduit à proscrire toute supplémentation en fer si le besoin n’a pas été préalablement vérifié par un dosage de ferritine.

L’excès de fer favorise le stress oxydatif et semble globalement un facteur de pathologie chronique avec un impact sur la morbidité et la mortalité.
Dans un article publié début 2022 (1), Joseph Mercola propose de surveiller la ferritine et la gamma GT pour évaluer le potentiel de santé à long terme. Un niveau élevé de ferritine marque une surcharge quantitative en fer. Il est cependant difficile de définir un seuil au-dessous duquel les valeurs seraient optimales (150 ng/ml, 100, 80 ?). Un niveau élevé de gamma GT serait corrélé statistiquement à un risque accru de morbidité, pas seulement lié à la dégradation de la fonction hépatique. Certains troubles corrélés avec une gamma GT élevée évoquent un niveau accru de stress oxydatif. En fait, une gamma GT élevée pourrait être corrélée à un accroissement de la proportion de fer libre, et jouerait ainsi sur l’aspect qualitatif du fer. Ainsi, le risque lié à une ferritine élevée serait amoindri si la gamma GT est basse.
S’appuyer sur le couple ferritine/gamma GT pour évaluer le potentiel santé est une piste intéressante, qui manque cependant de recul et de données rigoureuses pour être pleinement valide. Il reste aussi à définir les valeurs seuils pour ces deux paramètres, ce qui sera plus compliqué pour la GGT puisque les valeurs obtenues dépendent de la technique de dosage utilisée.

Rôle du fer dans les infections virales ?

Taddeus Nawrocki, collaborateur de Beljanski, affirme aujourd’hui que l’activité des enzymes qui favorisent le développement des virus à ARN dans une cellule (HIV, coronavirus, etc.) dépend de la disponibilité en fer. Trop de fer libre favoriserait ces infections. Il propose comme solution un traitement avec de la raubasine, chélateur du fer libre, pour lequel il a déposé un brevet (2).
L’hypothèse, intéressante, mériterait d’être confirmée. Il est toujours difficile de savoir dans ce cas si la communauté scientifique fait de la résistance aux innovations venant d’un chercheur isolé, ou si celui-ci s’isole pour ne pas être remis en cause dans quelque chose qui est avant tout hypothétique.
Le fait de proposer un traitement à la raubasine, a priori dénué d’effet secondaires (c’est un vieux médicament), reste une démarche très allopathique : une cause identifiée, une solution qui neutralise la cause de manière autoritaire.
Dans une vision de la santé à long terme, il conviendrait de vérifier qu’un excès de fer libre est bien un facteur majeur de morbidité (hypothèse défendue par Mercola et Nawrocki), comment cela peut être objectivé (ferritine et gamma GT ?) et quels sont les facteurs de mode de vie, alimentaire et autres, qui favorisent une répartition inadéquate du fer dans l’organisme et ceux qui permettent de la corriger durablement sans avoir à prendre un produit toute sa vie.

Complémentation

La fréquence de la déficience en fer a conduit au développement de nombreux médicaments et compléments, avec un réflexe très allopathique : combler le manque par une augmentation d’apport, alors qu’il y a parfois des solutions plus efficaces et moins nocives.

Tous les produits proposés en France contiennent du fer ferreux (Fe2+), plus facile à introduire dans les préparations et qui est une forme directement assimilée, alors que le fer ferrique alimentaire doit préalablement être transformé en présence de vitamine C. À vouloir trop bien faire dans un objectif linéaire de résultat immédiat, et par méconnaissance des mécanismes biologiques, ces compléments, certes efficaces quand la muqueuse intestinale est fonctionnelle, sont mal tolérés à forte dose et potentiellement dangereux, avec une aggravation possible par la présence de vitamine C associé.
Pour comprendre cela, il faut considérer une propriété souvent oubliée de l’ion ferreux (partagée avec l’ion cuivreux Cu+) : son amplification catalytique de la réaction de Fenton qui génère des radicaux oxydants. En d’autres termes, bien qu’étant sous forme réduite, il augmente le stress oxydatif ! C’est la raison pour laquelle l’organisme s’en protège et fait tout pour ne pas ne pas le laisser libre trop longtemps. Lorsque cette forme est directement apportée par un complément, le tube digestif qui le reçoit et qui n’est pas prévu pour cela (il reçoit habituellement des ions ferriques alimentaires), subit une agression oxydative. Les effets immédiats sont ressentis pour les fortes doses (médicament type Tardyferon) qui sont généralement très mal tolérées. Les effets sont plus silencieux pour les faibles doses (dans les compléments habituels), avec des conséquences mal connues.
Cet effet silencieux est l’explication la plus probable de la baisse de durée de vie chez les personnes qui prennent à long terme des complémentations polyvalentes contenant notamment du fer et du cuivre. Cela invite à la prudence sur l’usage des complémentations classiques en fer, et à écarter les produits fortement dosés.

En cas de carence sévère en fer, la solution la plus efficace est le fer injectable qui est toujours sous la forme ferrique (Fe3+), non agressive. Une injection de fer ferreux produirait une explosion oxydative dans le sang ! L’important est alors que la quantité de fer injectée soit bien proportionnée pour répondre au déficit sans générer du stockage excessif.

Lorsqu’un complément apportant du fer ferreux (Fe2+) directement assimilable est utilisé, ne pas oublier qu’il peut avoir deux inconvénients : l’un immédiat en provoquant un stress oxydatif, l’autre à long terme en accroissant inutilement les stocks de fer dans certains compartiments. Il est donc inutile d’utiliser des doses élevées. Tardyféron contient 50 ou 80 mg de fer, ce qui est beaucoup trop et garantit un stress oxydatif inutile. Il vaut mieux 10 à 20 mg sur une plus longue période.
Lorsque des doses significatives sont utilisées, il est même avantageux de prendre le produit seulement un jour sur deux. En effet, l’organisme se protégeant des excès de fer, après un apport conséquent, il a tendance à bloquer l’assimilation pendant 24 h (3).

La spiruline naturellement riche en fer, est une réponse adaptée aux déficiences modérées. La micro-algue est utilisée en complément sous forme native (non transformée), contenant a priori du fer de la même nature ferrique que les végétaux alimentaires (déduction d’observations concordantes, la forme précise du fer de la spiruline n’étant pas clairement documentée). Dans ce cas, il n’y a pas de risque d’amplification oxydante, ce qui est a été vérifié. Cela en fait un complément de premier choix, d’autant plus qu’il apporte de nombreux autres nutriments. Les algues plus concentrées en fer obtenues par enrichissement des milieux de culture et donc incorporation physiologique de l’élément dans la structure du micro-organisme, permettent avec peu de comprimés un apport de 10 mg par jour, ce qui se justifie en cas de déficience avérée (4).

Fer et vitamine C

La propriété potentiellement oxydante de l’ion ferreux explique la grande confusion qui règne autour de l’association entre fer et vitamine C.
Revenir aux faits établis est essentiel :
– Le fer végétal alimentaire se trouve sous forme d’ions ferriques (Fe3+), il n’est pas oxydant pour l’organisme et nécessite la vitamine C pour être réduit, avant d’être assimilé.
– Le fer complémentaire se trouve sous forme d’ions ferreux (Fe2+), potentiellement agressifs, et n’a pas besoin de vitamine C pour être assimilé. Pire que cela, étant potentialisateur d’oxydation, il pourrait oxyder l’acide ascorbique qui devient alors néfaste. C’est pourquoi Jean-Paul Curtay, à l’appui de sources documentées, déconseille vivement de l’associer à toute complémentation en fer (5).

Bilan : l’acide ascorbique est bénéfique lorsqu’il est associé au fer alimentaire. Il est inutile et potentiellement néfaste en prise conjointe avec un complément. Dans ces deux situations, ce n’est pas la même forme de fer qui est apporté ! Le fer de la spiruline, de même nature (ou proche) du fer alimentaire, s’accommode bien avec la vitamine C, absente de cette micro-algue et qui peut donc être associée.
Pour que les choses soient claires dans une complexité qui semble déboussolante : c’est bien la forme réduite du fer (Fe2+) qui est pro-oxydante alors que la forme oxydée (Fe3+) ne l’est pas. Ce n’est pas en entrant dans les cascades d’oxydoréduction qu’il agit, mais en catalysant une réaction à laquelle il ne participe pas en temps que substrat.

Proposition d'attitude rigoureuse et pragmatique

Le métabolisme du fer et le niveau optimal de sa disponibilité est trop complexe pour être maîtrisé de manière durable par des interventions thérapeutiques, c’est pourquoi il est toujours préférable de laisser faire l’auto-régulation biologique avec des apports alimentaires adaptés et une fonction digestive fonctionnelle pour ajuster l’assimilation.
Les compléments et médications sont nécessaires dans un second temps, quand une déviance pathologique est installée et ne peut s’autoréguler naturellement.

Les éléments présentés dans cette synthèse conduisent à des recommandations simples afin d’être à la fois efficace et sécuritaire dans l’attitude thérapeutique face aux problématiques du fer.

  1. Faire un dosage de transferrine (ou à défaut de ferritine) vers l’âge de 30 ans et pousser l’exploration si la charge ferrique du corps semble élevée, pour diagnostiquer une éventuelle hémochromatose.
  2. Ne pas complémenter en fer sans l’appui d’un dosage de ferritine avec une valeur inférieure à 20 ou 30 µg/l (selon le sexe).
  3. Lors d’un déficit en fer, considérer les causes possibles qui l’entretiennent avant d’envisager une complémentation : hémorragies, atrophie intestinale, et s’en occuper prioritairement. Il est souvent plus avantageux de favoriser un processus de réparation de la muqueuse intestinale que de supplémenter en fer. Tant que le déficit est modéré et ne se manifeste pas par une anémie microcytaire ou une fatigue invalidante, la solution alimentaire associée à la régénération de la fonction intestinale est préférable à la complémentation, parce qu’elle n’a pas d’effets collatéraux et son bénéfice est durable.
  4. Pour les personnes ayant une tendance chronique au manque de fer, en synergie avec la prise en compte des causes précédemment citées, mettre en œuvre les habitudes bénéfiques à l’assimilation du fer végétal : pas de thé ou café en cours de repas, apport de vitamine C par les légumes crus, voire des fruits en début de repas, introduire des aliments riches en fer : soja, légumineuses, céréales complètes, fruits oléagineux, fruits de mer… L’augmentation de la consommation de viandes rouges ou de boudin noir n’est pas une solution optimale car le fer de ces aliments devient néfaste en trop grande quantité.
  5. Si une complémentation est nécessaire, utiliser en priorité la spiruline sous forme native (5 g/jour), ou concentrée en fractionnant les prises et en associant éventuellement de la vitamine C. En second choix : les sels organiques (bisglycinate, gluconate, pidolate, etc.), à faible dose (pas plus de 10 mg/j), sans vitamine C associée, et en fractionnant les prises. Éviter les produits pharmaceutiques, trop concentrés et très agressifs pour le tube digestif.

RÉFÉRENCES

1. Article Joseph Mercola  
2. Hypohèse de Tadeusz Nawrocki sur les infections virales
3. Moretti D & al : . Oral iron supplements increase hepcidin and decrease iron absorption from daily or twice-daily doses in iron-depleted young women. Blood. 2015 : 126(17):1981-9 
4. Spécialités Végifer en France et Ferrina ou Spiruline Fer Algorigin en Suisse
5. Jean-Paul Curtay : Nutrithérapie, Éd. Marco Pietteur, 2006

Image de Jacques B. Boislève
Jacques B. Boislève

Consultant Formateur - Nutrition, psychologie et santé intégratives

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