Les médicaments analogues du GLP-1 pour maigrir : espoir et illusions

Le GLP-1 (glucagon like peptide 1) est une incrétine, c’est-à-dire hormone intestinale sécrétée par le tube digestif. Il a différents effets sur le métabolisme glucidique, un effet anorexigène central, et un ralentissement de la vidange gastrique. Sa durée de vie est courte, son activité est donc liée au niveau de sa sécrétion, régulée en fonction des besoins.
Plusieurs médicaments ayant à la fois une activité analogue au GLP-1 et une durée de vie plus longue sont aujourd’hui disponibles : semaglutide (Wegovy®, Ozempic®) ; liraglutide (Victoza®, saxenda®) ; exénatide (Bydureon®) ; dulaglutide (Trulicity®).
Le tirzépatide (Monjaro®) est un double agoniste : GLP-1 et GIP (polypeptide insulinotrope dépendant du glucose)
Tous ces produits sont  de structure peptidique, digestible, et doivent donc être administrés par voie injectable, avec une injection hebdomadaire.
Certaines spécialités, indépendamment de la nature de la molécule, sont indiqués dans le traitement du diabète de type 2 avec un remboursement en parte par l’assurance maladie en France (Ozempic®, Victoza®), alors que d’autres sont directement ciblés sur le surpoids, soumis également à ordonnance mais non remboursés (Wegovy®, Saxenda®). Les molécules étant les mêmes, on peut imaginer des détournements d’indication comme cela a été le cas pour Médiator®.
Les études comparatives tentent de déterminer une hiérarchie dans le niveau d’activité, avec toutes les limites de ce type d’études lorsqu’elles sont financées par les industriels. La tendance actuelle est tirzépatide > sémaglutide > liraglutide
Le coût des produits destinés à la perte de poids dépasse 200 € par mois.
Pour l’amaigrissement, les résultats obtenus sont variables selon les personnes, généralement une perte de 10 à 20 % en une année, avec généralement une reprise à l’arrêt du traitement. Environ 10 % des sujets ne régissent pas au traitement, totalement inefficace pour eux
Certains effets secondaires sont courants : nausées, vomissements, diarrhée, douleurs à l’estomac, fatigue, hypoglycémies… d’autant plus marqués que le produit est efficace. D’autres conséquences plus rares, mais sont aussi plus graves.

Début 2023, plusieurs centaines de milliers d’Américains prennent du Wegovy®, ce qui a conduit le producteur à limiter sa diffusion aux nouveaux utilisateurs pour ne laisser démunis ceux qui ont commencé par une rupture de stock. C’est en effet un traitement qui ne suspend pas, au risque de reprise rapide du poids perdu, voire plus par mécanisme de balancier. Malgré les échecs connus et reconnus des médicaments précédemment utilisés pour contrôler la perte de poids, l’espoir est toujours là de pouvoir régler le problème par un traitement, malgré le prix élevé et malgré la voie injectable.

Et les choses ne s’arrêtent pas là. Un article de Nature (1) reprenant une publication du NEJM (2) à propos des essais de phases II de deux nouveaux médicaments de la même famille des agonistes GPL-1, l’orforglipron et le rétatrutide, évoque que ces produits, bien plus intéressants, pourraient bien supplanter les autres.
– Orforglipron n’est pas une structure peptidique et peut se prendre par voie orale (comprimé)
– Rétatrutide, triple agoniste, agit sur tous les participants, avec un minimum de 5 % de perte de poids, et une moyenne de 25 % !
Une meilleure efficacité ou une plus grande facilité de prise ne changent pas le principe d’action de ces produits, ils modifient par une pression extérieure de point de référence du cerveau qui détermine le niveau de stockage. Une fois la pression relâchée, celui revient à son niveau spontané, voire au-delà par effet balancier. Une gestion durable du poids par un médicament implique toujours un traitement continu, avec le risque d’accoutumance qui demanderait alors d’augmenter les doses.
Les plus grands bénéficiaires sont sans équivoque ceux qui vendent les produits.

Références
1. Saima Sidik : Beyond Ozempic: brand-new obesity drugs will be cheaper and more effective – Nature news : 26 juin 2023
2. Ania M. Jastreboff & al :Triple–Hormone-Receptor Agonist Retatrutide for Obesity — A Phase 2 Trial – NEJM juin 2023

Les tests respiratoires sont-ils utiles pour le diagnostic du syndrome du côlon irritable ?

Le syndrome du côlon (ou de l’intestin) irritable, SII ou IBS (irritable bowel syndrome) diagnostiqué selon les critères de Rome touche selon les estimations 4 à 10 % de la population. Il n’y a pas de modèle physiopathologique clair, on connaît seulement les facteurs qui contribuent à sa manifestation dans une causalité polyfactorielle : hypersensibilité viscérale, perturbation des interactions intestin-cerveau notamment liée aux états de stress ou d’anxiété, désynchronisation de la motilité gastro-intestinale et altérations du microenvironnement intestinal, notamment du microbiote. Les ballonnements sont liés à un défaut d’évacuation des gaz lié ou non à un excès de production.
Les tests respiratoires qui mesurent l’augmentation de l’élimination de gaz (hydrogène et méthane principalement) après administration de glucose (75 g) ou de lactulose (10 g), sont de plus en plus préconisés comme technique non invasive de diagnostic des troubles fonctionnels intestinaux.

Une revue systématique des bases de données Medline et Cochrane a rassemblé 10 articles sur l’intérêt des tests respiratoires dans le diagnostic du SII (1). Il en ressort que :
– Le test au lactulose est nettement plus performant que celui au glucose, et la mesure de l’hydrogène expiré plus performante que celle du méthane.
– Le test au lactulose est positif dans environ 50 % des SII, sans corrélation entre la quantité d’hydrogène mesuré et la sévérité des symptômes. Le test au méthane est positif dans environ 1/3 des SII. Le % de tests positifs chez des sujets sans SII n’étant pas déterminé, il est impossible de définir une valeur diagnostic, qui compte tenu des données déjà disponibles est forcément faible.

En fait, les tests respiratoires mesurant les gaz de fermentation sont avant tout corrélés avec une prolifération microbienne dans l’intestin grêle (SIBO), qui est présente dans certains syndromes du côlon irritables, sans en être une composante constante.
Toute la question est alors de définir l’intérêt pathologique du SIBO, qui n’est pas consensuel.
Les inconforts digestifs assimilables au syndrome du côlon irritable, avec ou sans diagnostic selon les critères de Rome, sont multifactoriels et ont avantage à être pris en charge dans une démarche intégrative qui considère la santé intestinale, l’alimentation et les aspects psychologiques. Elle associe un accompagnement de fond à visée durable sur le mode de vie, et des traitements naturels (phytothérapie et l’aromathérapie) pour soulager les symptômes lors des crises.

Référence :
1. Valencia Ru-Yan Zhang & al : Volatile organic compounds as potential biomarkers of irritable bowel syndrome: A systematic review – Neurogastroenterology & Motility mars 2023

L’huile de colza toxique, une intox construite sur des amalgames

La mise en avant de la toxicité de l’huile de Colza qui se répand sur les réseaux sociaux remet-elle en cause sa préconisation comme huile d’assaisonnement en nutrition santé ?
Le colza résulte du croisement d’un chou et d’une navette, une autre espèce de brassicacées qui s’est produit naturellement il y a plus de 3 000 ans. Il est impossible de dire si cela s’est fait à l’état sauvage ou dans un potager. Dans tous les cas, ce n’est pas un croisement forcé. Il a été plus récemment sélectionné sous deux formes, le colza dont on récolte les graines pour faire de l’huile, le rutabaga dont la racine est consommée comme un navet.

L’huile de colza originelle contient de l’acide érucique (acide 13-docosénoïque, mono-insaturé en C22) dont la toxicité sur l’animal a été révélée dans les années 1960. Elle n’a jamais été vraiment confirmée, et l’EFSA reconnaît aujourd’hui un risque qui ne concerne que les enfants fortement exposés (1).
Suite aux révélations sur l’acide érucique, une démarche rigoureuse de sélection a isolé des variants qui ont été nommés canola au Canada (Canadian oil low acid) et colza 00 en Europe. Ce sont aujourd’hui les seules variétés cultivées pour la consommation humaine. Elles contiennent de faibles quantités d’acide érucique, obligatoirement inférieur à 2 %, généralement entre 0,1 et 0,5 %, et sont reconnues comme sécures.
Il existe aussi des variétés de colza oléique (colza 000 ou colza HOLL) qui sont riches en acides gras monoinsaturés, ce qui perd l’intérêt nutritionnel lié à la présence de polyinsaturés avec une proportion notable d’acide alpha-linolénique (oméga3).

La mauvaise réputation de l’huile Colza a commencé dans les années 1970, en mettant en avant la toxicité de l’acide érucique. Dans les années 1980, une mystérieuse série de morts en Espagne a été reliée à la consommation d’une huile de colza frelatée (2). Bien que ce soit la malfaçon qui ait induit la toxicité, la réputation du colza s’est entachée d’une couche supplémentaire.
Plus récemment, dans son blog bien documenté, l’américain Joseph Mercola, présente l’huile de canola, s’appuyant sur une étude sur les souris publiée dans Nature, comme un poison progressif qui dégrade la santé, notamment celle du cerveau et favorise la prise de poids. L’article ne précise pas le type d’huile de colza utilisée, qui est très probablement une production industrielle de type raffinée, avec tous les inconvénients de ce mode de production que l’on connaît.
Parmi les critiques, on trouve aussi le fait que lorsqu’elle est utilisée la cuisson, les oméga 3 sont dénaturés, ce qui est vrai, c’est la raison pour laquelle cette huile n’est pas une huile de cuisson.

En résumé, rien de nouveau qui contredise les préconisations de nutrition santé (4) : éviter toutes les huiles industrielles raffinées, et utiliser l’huile vierge de colza seulement pour les assaisonnements. Elle répond, pour un coût modéré, aux besoins en oméga 3 végétaux (acide alpha-linolénique)

Références :
1. EFSA : L’acide érucique, un risque sanitaire possible pour les enfants fortement exposés
2. La vérité sur le scandale de l’huile frelatée en Espagne
3. Joseph Mercola : Il a été prouvé que l’huile de canola détruit votre corps et votre esprit
4. Elisabetta Lauretti & Domenico Praticò : Effect of canola oil consumption on memory, synapse and neuropathology in the triple transgenic mouse model of Alzheimer’s disease – Nature , Scientific Reports, volume 7, Article 17134 (2017)
5. Nutrition Santé Essentielle

Dépression, anxiété et déficience en fer

Une synthèse effectuée par deux chercheurs de l’université du Michigan souligne qu’il peut y avoir une déficience en fer sans anémie, et que celle-ci perturbe la synthèse de neuromédiateurs (sérotonine, dopamine, noradrénaline), ce qui perturbe le fonctionnement psychique, favorisant notamment l’anxiété et la dépression.
Sur la base d’un essai ayant montré une amélioration des symptômes sur 50 % des sujets, ils recommandent une supplémentation en fer en cas de dépression ou anxiété associée à une ferritine < 100 ng/ml, avec un produit et une posologie adéquate (1).
Cette recommandation peut surprendre, étant donné que la norme habituellement admise pour la ferritine est 30 ng/ml, et que la supplémentation en fer, quand elle mal adaptée ou dépasse les besoins, a des effets néfastes reconnus (2).
Il n’y a de consensus sur les normes de ferritine, autant sur le seuil marquant une déficience que sur celui marquant un excès préjudiciable à la santé à long terme (3).
C’est toute la complexité du métabolisme du fer, et l’impossibilité de trouver une zone de convergence entre les bénéfices d’une supplémentation et la nocivité d’un excès. La quantité n’est pas le seul facteur en jeu, la répartition de ses diverses formes compte également. La solution la plus naturelle est de faire confiance à la régulation de l’assimilation du fer conditionnée par le bon état de la muqueuse intestinale. La priorité est alors la régénération de cette muqueuse quand le contexte évoque qu’elle pourrait être altérée (2).

Références :
1. Stephanie Weinberg Levin & Theresa B. Gattari : Iron deficiency in psychiatric patients – Current Psychiatry 2023, 22, (3)
2. Biologie Médicale Intégrative : Discussion autour des valeurs normales et pathologiques de la ferritine (extrait)
3. Article sur Nutrition Santé Essentielle : Le fer, une zone étroite de stabilité entre déficit et excès

Modification du microbiote intestinal par l’alimentation

Nous savons que le microbiote intestinal est individuel, que sa base pérenne se structure au cours de la petite enfance, en fonction des conditions de naissance, d’allaitement et de la diversité alimentaire. Il est altéré par les gastro-entérites et les cures d’antibiotiques à large spectre, À l’âge adulte, il est toujours sensible aux antibiotiques et aux diarrhées. Il se maintient ou se dégrade selon la qualité de l’alimentation. Les facteurs favorables ou défavorables à la santé générale sont complexes, le facteur favorable le plus constant est la diversité des espèces qui le composent.
La recherche effectuée par l’équipe de Frédéric Raymond (Université de Laval – Québec) sur 21 sujets en alternant l’alimentation canadienne courante et le régime méditerranéen a montré qu’en 48 h, des modifications quantifiables du microbiote intestinal étaient mesurables lors du passage au régime méditerranéen. Il ne s’agit pas d’un remodelage majeur du microbiote intestinal, mais d’une augmentation substantielle de plusieurs espèces présentes en faible abondance, avec des conséquences sur les métabolites produits, notamment les acides gras à courte chaîne nécessaires à la santé du côlon. Les changements étaient d’autant plus importants que le microbiote de départ était peu diversifié, et à l’inverse le retour ponctuel à une alimentation moins favorable a peu de conséquences sur un microbiote déjà diversifié.
Cela nous confirme deux tendances déjà supposées de l’alimentation santé :
– Quand les habitudes alimentaires sont loin des critères favorables, l’amélioration des conditions d’une meilleure santé par le changement nutritionnel est rapide, et il n’est jamais trop tard.
– Quand une nutrition santé est déjà en place depuis un certain temps, les écarts ont peu d’effet, ce qui permet de ne pas sacrifier le plaisir et la vie sociale.

Référence :
Isabelle Bourdeau-Julien & al : The diet rapidly and differentially affects the gut microbiota and host lipid mediators in a healthy population – Microbiome 2023, 11 : 26

Chrononutrition et prise de poids

La chrononutrition repose sur diverses recherches qui ont montré notamment que manger tard est associé à un risque accru d’obésité, à une augmentation de la graisse corporelle et à moins de succès pour la perte de poids.
Une étude plus approfondie sur 16 sujets a exploré les mécanismes en jeu dans ces observations. Il est apparu qu’un repas tardif dans la journée modifie les médiateurs de la faim et de la satiété, conduisant à une moins bonne signalisation de la satiété le lendemain. Il a également été observé que les calories du soir sont brûlées plus lentement et une expression génétique différente oriente la balance lipogenèse/lipolyse vers la lipogenèse (1).

Une autre expérimentation, également sur 16 sujets, tous masculins, s’est intéressée aux modifications de la thermogenèse induite par l’alimentation (DIT – diet induced thermogenesis) selon le moment de la prise des repas, en mesurant divers paramètres dans des conditions variables de la répartition des calories dans la journée : charge maximale le matin, ou le soir (2). Il est apparu que la DIT était 2,5 fois plus élevée le matin que le soir. Cela veut dire que les calories du matin sont davantage dissipées en chaleur corporelle, et sont donc moins disponibles pour le stockage. L’expérience a également montré qu’un repas léger le matin accroît la sensation de faim en cours de journée et en particulier l’attrait pour les sucreries.

Ces deux expériences confirment que de façon générale, pour prévenir la prise de poids ou favoriser sa perte, il est plus avantageux de consommer une part importante de calories le matin et de prendre un repas du soir plutôt léger et le plus tôt possible, ce que propose la chrononutrition. C’est donc une ressource par le changement à prendre en compte, sans pour autant tout miser dessus en lui donnant trop d’importance. Les Espagnols qui par tradition mangent peu le matin et beaucoup le soir (et tard) n’ont statistiquement pas davantage de surpoids que d’autres populations, ni de réduction de l‘espérance de vie. On peut imaginer que la fonction plaisante et sociale de ce mode alimentaire apporte d’autres avantages santé. C’est pourquoi ce changement est à présenter comme une ressource d’amélioration et non une nécessité. Pour certaines personnes, n’étant pas du tout adaptée à leur régulation interne de l’appétit et à leur vie sociale, forcer changement ne ferait qu’aggraver a situation et affirmer que c’est indispensable favorisait le blocage d’une amélioration avec l’aide d’autres ressources.

Références :
1. Nina Vujović & al : Late isocaloric eating increases hunger, decreases energy expenditure, and modifies metabolic pathways in adults with overweight and obesity – Cell metabolism 34(10) :1486-1498
2. Juliane Richter & al : Twice as High Diet-Induced Thermogenesis After Breakfast vs Dinner On High-Calorie as Well as Low-Calorie Meals – JECM, 2020, 105(3) : e211-e221