Chrononutrition et prise de poids

La chrononutrition repose sur diverses recherches qui ont montré notamment que manger tard est associé à un risque accru d’obésité, à une augmentation de la graisse corporelle et à moins de succès pour la perte de poids.
Une étude plus approfondie sur 16 sujets a exploré les mécanismes en jeu dans ces observations. Il est apparu qu’un repas tardif dans la journée modifie les médiateurs de la faim et de la satiété, conduisant à une moins bonne signalisation de la satiété le lendemain. Il a également été observé que les calories du soir sont brûlées plus lentement et une expression génétique différente oriente la balance lipogenèse/lipolyse vers la lipogenèse (1).

Une autre expérimentation, également sur 16 sujets, tous masculins, s’est intéressée aux modifications de la thermogenèse induite par l’alimentation (DIT – diet induced thermogenesis) selon le moment de la prise des repas, en mesurant divers paramètres dans des conditions variables de la répartition des calories dans la journée : charge maximale le matin, ou le soir (2). Il est apparu que la DIT était 2,5 fois plus élevée le matin que le soir. Cela veut dire que les calories du matin sont davantage dissipées en chaleur corporelle, et sont donc moins disponibles pour le stockage. L’expérience a également montré qu’un repas léger le matin accroît la sensation de faim en cours de journée et en particulier l’attrait pour les sucreries.

Ces deux expériences confirment que de façon générale, pour prévenir la prise de poids ou favoriser sa perte, il est plus avantageux de consommer une part importante de calories le matin et de prendre un repas du soir plutôt léger et le plus tôt possible, ce que propose la chrononutrition. C’est donc une ressource par le changement à prendre en compte, sans pour autant tout miser dessus en lui donnant trop d’importance. Les Espagnols qui par tradition mangent peu le matin et beaucoup le soir (et tard) n’ont statistiquement pas davantage de surpoids que d’autres populations, ni de réduction de l‘espérance de vie. On peut imaginer que la fonction plaisante et sociale de ce mode alimentaire apporte d’autres avantages santé. C’est pourquoi ce changement est à présenter comme une ressource d’amélioration et non une nécessité. Pour certaines personnes, n’étant pas du tout adaptée à leur régulation interne de l’appétit et à leur vie sociale, forcer changement ne ferait qu’aggraver a situation et affirmer que c’est indispensable favorisait le blocage d’une amélioration avec l’aide d’autres ressources.

Références :
1. Nina Vujović & al : Late isocaloric eating increases hunger, decreases energy expenditure, and modifies metabolic pathways in adults with overweight and obesity – Cell metabolism 34(10) :1486-1498
2. Juliane Richter & al : Twice as High Diet-Induced Thermogenesis After Breakfast vs Dinner On High-Calorie as Well as Low-Calorie Meals – JECM, 2020, 105(3) : e211-e221

Lobbying et information nutritionnelle

C’est aujourd’hui un fait bien connu, les multinationales du secteur pharmaceutique et agroalimentaire consacrent un budget important pour le lobbying destiné à orienter l’information sur la santé dans un sens qui préserve leurs intérêts.
– En novembre 2016, une publication venant d’universitaires californiens, fondée sur une analyse rigoureuse des documents internes de la Sugar Research Foundation (SRF), des rapports historiques et des déclarations pertinentes aux premiers débats sur les causes alimentaires du risque cardiovasculaire, a révélé que l’industrie agroalimentaire liée au sucre a parrainé un programme de recherche dans les années 1960 et 1970, qui a réussi à jeter le doute sur les dangers du saccharose, tout en accusant le gras d’être le responsable des maladies cardiovasculaires (1). La rigueur de ce travail a été saluée, et les choses en sont restées là.
– En septembre 2020, des chercheurs suédois ont fait une revue de 21 études portant sur plus de 2 000 documents attestant de prises de position publiques d’experts, afin d’évaluer l’impact des conflits d’intérêts financiers et non financiers des professionnels de santé sur l’attribution de recommandations favorables pour un médicament ou un dispositif de santé. Ils ont démontré l’influence claire des liens d’intérêt des chercheurs sur les avis positifs qu’ils peuvent exprimer en tant qu’experts (2).
– En octobre 2022, l’université de Cambridge a publié une analyse sur l’Academy of Nutrition and Dietetics (AND), considérée comme plus grande organisation de professionnels de l’alimentation et de la nutrition américaine. Les documents révèlent une relation symbiotique entre l’AND, sa fondation (ANDF) et les entreprises de l’agroalimentaire et du médicament. Les sociétés aident l’AND et l’ANDF avec des contributions financières. En contrepartie, ces organisations agissent comme une voix pro-industrie dans certaines instances politiques, et avec des positions publiques qui entrent en conflit avec sa mission d’améliorer la santé à l’échelle mondiale.

Il peut sembler scandaleux qu’un lobbying défendant des intérêts financiers privés puisse avoir un effet contraire à la recherche d’une meilleure santé des personnes. C’est pourtant ainsi, ce n’est pas franchement illégal, et cela finalement n’est pas surprenant.
Il y a deux raisons fortes qui font que rien ne peut changer radicalement.
– La première est industrielle avec un lobbying qui a une puissance d’action suffisante pour maintenir le statu quo.
– La seconde est politique, avec la conscience pragmatique qu’il est impossible aujourd’hui de nourrir toute la population sans l’industrie agroalimentaire, et qu’il est donc nécessaire de la préserver, en espérant au mieux que son offre évolue.

Le changement individuel est lui tout à fait possible, pour celles et ceux qui ont compris que l’information officielle et véhiculée par les grands médias est à considérer avec prudence en intégrant qu’elle préserve certains intérêts. Ne pas oublier non plus que d’autres sources qui s’opposent à ce système reposent sur des idéologies contestables et diffusent des informations partisanes vis-à-vis de cette idéologie. Il existe aussi des sources indépendantes et fiables, que l’on peut consulter avec davantage de confiance.

Références :
1.Cristin E. Kearns & al : Sugar Industry and Coronary Heart Disease Research A Historical Analysis of Internal Industry Documents – JAMA Intern Med. 2016, 176(11) : 1680-1685
2. Camilla H Nejstgaard & al : Association between conflicts of interest and favourable recommendations in clinical guidelines, advisory committee reports, opinion pieces, and narrative reviews: systematic review – BMJ 2020, 371 : m4234
3. Angela Carriedo & al :  The corporate capture of the nutrition profession in the USA: the case of the Academy of Nutrition and Dietetics – Public Health Nutrition octobre 2022.

 

Assimilation des nutriments selon le niveau de transformation des aliments

Le bilan défavorable des produits ultra-transformés est aujourd’hui bien documenté, par diverses études montrant les effets néfastes de leur consommation.
Parmi les facteurs en cause, la perte de la matrice naturelle mise en avant par Anthony Fardet (1) joue probablement un rôle important, associé aux propriétés non physiologiques des additifs de synthèse.
L’effet matrice se comprend aisément en biologie évolutive : nos organismes sont adaptés à recevoir des nutriments dans une structure vivante et ils ont développé des mécanismes pour les assimiler de manière optimale dans ces conditions. Lorsqu’ils arrivent dans des conditions artificielles, les processus physiologiques sont moins performants ce qui peut se traduire par une assimilation différente et une perturbation de l’état du tube digestif.
Une recherche effectuée sur trois produits à base saumon (poisson intact, haché et huile avec des compositions identiques en lipides) a évalué l’assimilation des acides gras oméga-3, EPA et DHA. Il a été montré que l’assimilation était significativement plus élevée pour le poisson intact, et que le processus digestif (pH vitesse de vidange gastrique) était différent, ce qui est une explication satisfaisante selon les auteurs (2).
L’assimilation plus faible est cependant réelle pour les produits transformés, rappelant que la règle du tout ou rien ne s’applique pas en ce domaine. On peut se nourrir avec des aliments transformés, mais moins bien. Et lorsqu’il s’agit d’une consommation régulière, les effets cumulatifs peuvent avoir des conséquences notables.
Cela montre également que la prise de compléments alimentaire est plus avantageuse au cours d’un repas qui apporte habituellement le type de nutriments complémentés. Ceux-ci se retrouvent alors dans un environnement plus proche de l’optimal naturel dont ils sont eux-mêmes très éloignés.

Références :
1. Anthony Fardet : Halte aux aliments ultratransformés ! Mangeons vrais – Thierry Souccar Éditions 2017
2. N. A. Nasef & al : Salmon food matrix influences digestion and bioavailability of long-chain omega-3 polyunsaturated fatty acids – Food Funct. juin 2021

La viande artificielle est désormais une réalité

Alors que la piste du bifteck de pétrole que l’on annonçait les années 1970 pour le XXIe siècle n’a jamais vu le jour, c’est une autre technologie qui s’est développée : la culture cellulaire. Le principe est simple, il suffit de trouver les conditions pour que des cellules animales se développent suffisamment en laboratoire afin de pouvoir en faire des portions de viande.
La limite de cette méthode : le coût de revient d’une production quantitativement limitée s’amenuise avec le progrès de la performance technologique.
La start-up Eat Just qui a commencé à commercialiser sa production dans un restaurant de Singapour en décembre 2020 (1).
Le patron du restaurant concerné, très fier affirme que c’est une  » étape révolutionnaire dans la lutte contre le changement climatique et l’approvisionnement de la population mondiale sans abîmer la planète « .
L’avenir dira si le défi technologique conduisant à une grande production sera gagné. Et dans ce cas, si la demande des consommateurs suivra…
Il y a une autre piste, bien plus naturelle et plus prometteuse pour apporter des protéines animales à bas coût et dans une démarche écologique : les insectes (2).

Références :
1. https://www.bluewin.ch/fr/infos/sciences-technique/poulet-artificiel-dans-l-assiette-premi-re-historique-singapour-504662.html
2. https://www.journaldemontreal.com/2019/03/03/les-insectes-sources-de-proteines-de-lavenir

Certains édulcorants en cause dans l’aggravation de la perméabilité intestinale…

L’étude publiée dans Nutrient relate une expérience effectuée en laboratoire sur culture cellulaire et sur animal (souris) avec une conclusion claire : trois édulcorants de synthèse sucralose, aspartame et saccharine, à des degrés divers, ont un effet physiologique sur les entérocytes, consécutif à l’action sur les récepteur de goût sucré T1R3. Cela se traduit à faible dose par une accroissement de la perméabilité, à forte dose par la mort par apoptose de certaines cellules épithéliales.
Au-delà d’une confirmation du caractère néfaste des édulcorants de synthèse, qui ont déjà un dossier assez chargé, la publication invite à quelques réflexions dans une vision plus large :
– La perméabilité est posée dans cet article de recherche crédible, comme dans d’autres, comme un phénomène bien réel ayant des conséquences physiopathologiques, alors qu’en médecine, il n’est pas à ce jour considéré comme un facteur de risque à prendre en compte en prévention.
– Après le dioxyde de titane et peut-être d’autres produits à venir, il semble que l’impact des xénobiotiques utilisés comme additif alimentaire sur la muqueuse intestinale contribue, avec de multiples autres facteurs, à accroitre cette perméabilité dont on découvrira peut-être, un jour, quelle est un facteur majeur d’une dégradation de santé qui fait glisser vers les maladies chroniques. Et nous n’avons pas besoin d’attendre d’avoir la liste complète des coupables identifiés pour intégrer que ces additifs que l’on ne trouve que dans les produits ultratransformés sont non seulement inutiles, ils sont aussi potentiellement néfastes.
– La mise en cause des édulcorants de synthèse n’est pas une caution aux édulcorants naturels (stévia, xylitol..) , qui certes n’ont pas de toxicité (ou du moins pas comparable), mais qui restent des perturbateurs de messagerie biologique, avec des conséquences que l’on peut difficilement mesurer.
– Est-il préférable de consommer du sucre ou des édulcorants ? La question conduit à des avis divers. Tout dépend de l’objectif recherché. Pour quelqu’un qui veut sortir de la dépendance sucrée de manière durable et respectueuse des mécanismes naturels, l’utilisation des faux signaux avec les édulcorants, qu’ils soient synthétiques ou naturels, est une entreprise risquée.

Source : Aparna Shil & al :  Artificial Sweeteners Disrupt Tight Junctions and Barrier Function in the Intestinal Epithelium through Activation of the Sweet Taste Receptor, T1R3 – Nutrients juin 2020, 12(6) : 1862