Quelle alimentation pour vivre plus longtemps ?

Cette question fait l’objet de nombreuses réponses, fondées sur des observations et études évaluant certains aspects nutritionnels de la longévité.
De manière plus synthétique mais spéculative, on admet que la nutrition santé, avec ses critères plus ou moins consensuels, augmente la durée de vie moyenne et améliore la qualité du vieillissement.
L’étude mise en avant dans n°904 de Sciences & Avenir (juin 2022) apporte une pierre solide à l’édifice, du fait de son ampleur et sa méthodologie innovante : les chercheurs ont rassemblé et comparé les résultats de dizaines d’études antérieures relatives à l’alimentation et à la longévité dans des populations des États-Unis, de Chine et d’Europe, dont la célèbre étude Global Burden of Disease Study ou GBD (2019).

Les recommandations pourraient se résumer ainsi : davantage de poissons, végétaux non transformés : graines entières, légumes, fruits, fruits à coque, moins de produits laitiers et plus de viande rouge ou viandes transformées
La comparaison fait par la revue Science & Avenir par rapport au PNNS français montre l’éviction de viandes rouges et transformées :
– Des niveaux légèrement plus bas de produits laitiers (- 20 %),
– Des niveaux équivalents en œufs, fruits à coques, viandes blanches,
– Des niveaux nettement plus élevés de légumes (x 1,3), fruits (x 2), céréales (x 2,75) et surtout légumineuses (x 7) et poissons (x 7).

Les calculs effectués, en comparant à une alimentation moyenne occidentale, donnent les prévisions de bénéfices suivants en espérance de vie :
– Changement à 20 ans : gain de plus de 10 ans
– Changement à 60 ans : gains d’environ 8 ans
– Changement à 80 ans : gain de 3,5 ans

Ce travail de grande ampleur confirme globalement les orientations habituellement préconisées en nutrition santé, avec des nuances qui peuvent être apportées permettant une adaptation individuelle au terrain et aux choix éthiques. Il apporte en pus une précision majeure : un changement est d’autant plus favorable qu’il est précoce, c’est évident, et il reste cependant fortement bénéfique s’il est plus tardif, notamment après 60 ans (et même 80 ans !)

Références :
1. L’étude GBD est la collaboration de plus de 3 600 chercheurs de 145 pays, a fourni une immense base de données à partir de laquelle diverses analyses sont possibles. Elle a fait l’objet de multiples publications
2. L.T. Fadnes & al : Estimating impact of food choices on life expectancy – A modeling stud PLOS Medicine 25 mars 2022

De la viande deux fois par jour pour ne pas manquer de fer, la préconisation irresponsable d’un médecin en position d’expert !

Le suivi de la prise de poids et de quelques marqueurs biologiques de 8 900 enfants âgés au départ de 6 mois à 8 ans, dont environ 250 végétariens ont conduit à une publication (1) qui conclut : « Aucune preuve de différences cliniquement significatives dans la croissance ou les mesures biochimiques de la nutrition chez les enfants ayant un régime végétarien n’a été trouvée. Toutefois, le régime végétarien était associé à une probabilité plus élevée d’insuffisance pondérale ».
Les valeurs de ferritine sont en moyenne 3 % plus basses chez les enfants végétariens, c’est-à-dire sans différence significative.

Suite à la publication de cette étude, la radio France Culture a invité Patrick Tounian (chef du service de nutrition pédiatrique de l’hôpital Trousseau) pour parler du végétarisme chez les enfants (2).
Alors que l’étude qui était le point de départ montre qu’il n’y a aucun problème, l’intervenant qui visiblement ne l’a pas vraiment lue a déroulé un plaidoyer pour la consommation de viande 2 fois par jour afin d’éviter les carences en fer que le médecin prétend avoir observé par milliers. Et que les légumes, du moment qu’il y en a un peu de temps en temps, c’est secondaire ! Hallucinant !
On ne cesse de dire que les points de vue non étayés ne sont pas de la science et que seulement les études contrôlées sont une source fiable de connaissance. Et là, on permet à quelqu’un qui a la crédibilité du spécialiste de faire passer un point de vue personnel et non ce qu’une démarche scientifique vient de révéler. Et pour inciter à un comportement alimentaire qui est écologiquement irresponsable et reconnu néfaste par la majorité de la communauté scientifique.
La déficience en fer existe réellement chez de nombreuses personnes et on peut l’objectiver par un dosage de ferritine. Le fer végétal a certes un niveau d’assimilation faible, mais celui-ci s’ajuste en cas de déficience pour éviter qu’elle s’installe. Il faut pour cela une muqueuse intestinale fonctionnelle et c’est sans doute là que se situe le problème. Le mode de vie moderne avec une alimentation qui abuse des produits ultratransformés et manque de végétaux favorise la détérioration de cette muqueuse. Favoriser la santé digestive semble donc la priorité.
La viande rouge avec son fer héminique et les compléments qui contiennent tous du fer ferreux apporte du fer sous la forme Fe2+, prooxydante, agressive pour l’organisme et dont l’excès est reconnu néfaste pour la santé à long terme. Le fer végétal est certains plus difficile à assimiler mais totalement sécure et suffisant si le tube digestif est fonctionnel.
Les recommandations actuelles pour la viande rouge sont entre 0 et 2 fois par semaine.
Manger de la viande deux fois par jour est une aberration écologique, et contraire aux grands principes de nutrition santé. Un spécialiste de la nutrition infantile peut-il ignorer cela ?
À moins qu’il y ait derrière cela quelques conflits d’intérêts, vis-à-vis desquels la position de Patrick Tounian mériterait d’être éclaircie (3)

Références :
1. Laura J. Elliott & al : Vegetarian Diet, Growth, and Nutrition in Early Childhood: A Longitudinal Cohort Study – Pediatrics 2/05/2022
2.Résumé et podcast de l’intervention de Patrick Tounian sur France Culture
3. Patrick Tounian est-il indépendant dans ses propos sur la nutrition infantile ?

Ne pas tolérer le pain ou les pâtes ne se résume pas à la présence de gluten

L’INRAE (Institut national de recherche pour l’agriculture l’alimentation et l’environnement) et le Biocivam 11 (association des producteurs bio de l’Aude) ont lancé un programme ambitieux pour rechercher les facteurs autres que le gluten lui-même dans les intolérances non cœliaques. Il s’agit d’évaluer le niveau de tolérance en fonction de tous les facteurs qui différencient les modes de préparation du pain et des pâtes. Pour cela, ils utilisent un test d’extraction des protéines insolubles du blé (gluten) qui a été corrélé à la digestibilité.
La première étape de la recherche a hiérarchisé les facteurs qui améliorent la digestibilité.
Pour le PAIN :
1. Utilisation du levain plutôt que la levure (Saccharomyces cerevisiae)
2. Une fermentation longue
3. Une cuisson au four à bois
4. Les variétés de blé utilisées et la mouture ont montré des différences plus faibles
Pour les PÂTES ALIMENTAIRES
1. La variété de blé (variétés non inscrites au catalogue/variétés conventionnelle)
2. Le type de moulin (meules > cylindre)
3. La température de séchage (température ambiante > haute température)

Cette recherche confirme les facteurs déjà supposés : il est préférable d’avoir recours aux variétés anciennes de blé, de moudre avec des meules, et d’utiliser les moyens de fermentation et préparation traditionnels, plus lents et avec des t° plus basses.
Le fait marquant pour le pain est que le mode de préparation artisanal au levain est un facteur majeur, qui semble compter davantage que la variété de blé. Ce qui est plutôt une bonne nouvelle car il est plus facile de trouver du pain préparé artisanalement au levain que du pain au blé ancien. Allier les deux, c’est mieux, mais être pragmatique, c’est faire avec ce qui est là.

Référence
Communiqué INRAE 

Des aliments fermentés plutôt que des probiotiques en prévention

L’importance du microbiote intestinal dans la santé générale est aujourd’hui largement reconnue. Penser probiotiques pour l’améliorer est un réflexe très allopathique qui arrange bien tout le business existant autour de ces produits. Cependant, comme toute solution allopathique, ils ne sont intéressants que ponctuellement, sur des indications ciblées (1).
En prévention, ou en soutien de la fonction digestive lors d’une maladie chronique ou d’une cure de régénération intestinale, il est plus intéressant et bien plus économique d’apporter des ferments par des produits alimentaires qui en contiennent : kéfir (de lait ou de fruit), kombucha, légumes lactofermentés. L’intérêt de ces produits est qu’ils apportent un grand nombre de micro-organismes différents, qu’ils peuvent être consommés régulièrement comme des aliments et que certains peuvent être préparés artisanalement pour un coût dérisoire (2,3). Une alimentation globalement riches en fibres reste une base incontournable.
Leur bénéfice, supposé par le bon sens et l’expérience, commence à s’étayer par des publications.
Quelques exemples :
– Une alimentation favorable au microbiote intestinal modulent le statut immunitaire humain (4)
– Des chercheurs de Stanford ont montré que consommer des aliments fermentés tels que le kimchi, le kéfir, le kombucha… augmente la diversité des microbes intestinaux, qui est associée à une meilleure santé (5).
– Le kéfir a une action similaire aux probiotiques (6)

Références :
1. Microbiote intestinal : comment simplifier la complexité par l’essentiel
2.Préparation des légumes facto-fermentés
3. Préparation du kéfir de fruits
4. Hannah C Wastyk & al : Gut-microbiota-targeted diets modulate human immune status – Cell . Août 2021, 184 (16) :4137-4153
5. Stanford Medicine News 2021 07 Fermented foods reduce inflammatory markers
6. Susy Érika de Lima Barros et al. Potential beneficial effects of kefir and its postbiotic, kefiran, on child food allergyFood Funct. 2021, Advance Article

Akkermansia muciniphila (AM) : quel destin pour la star du microbiote ?

Cela fait quelque temps que les propriétés d’Akkermansia muciniphila, quand cette bactérie est abondante les intestins font rêver (1) :
– Modulation de la perméabilité intestinale,
– Diminution de l’inflammation au niveau du tube digestif,
– Amélioration du métabolisme glucidique et lipidique.
La quantité dans les microbiotes varie d’un facteur 1 à 1000.
Un niveau faible est plus fréquemment retrouvé chez les personnes souffrant d’obésité, de diabète, de syndrome métabolique, de pathologies inflammatoires intestinales ou hépatiques, de psoriasis…
Un niveau élevé a été observé chez les centenaires en bonne santé.
C’est comme si on avait trouvé la panacée qui oriente résolument vers la santé optimale.

Depuis 2018, des tests PCR permettent  la détermination la présence d’AM, en nombre de génome par gramme de selles (2). Ils ne figurent cependant pas actuellement au catalogue des laboratoires analysants le microbiote.
En 2021, L’EFSA, l’agence européenne de sécurité alimentaire, a donné un avis positif comme complément alimentaire (3).

La prochaine étape est la commercialisation d’un probiotique. Elle se fait attendre de façon surprenante vu que les bénéfices de cette bactérie sont connus depuis plusieurs années. Problème technique ? Stratégie commerciale pour une poule aux œufs d’or qu’il faut préserver ?
L’avenir nous dira comment se produit arrivera sur le marché, quels effets immédiats il pourra donner, et quel bénéfice à long terme pourront être validés.

Le raisonnement qui part d’une corrélation entre un paramètre (abondance d’AM dans le microbiote) et des bénéfices santé sur la base d’analyse génomique dans les selles pour conduire à une supplémentation par un probiotique oublie que la complexité du vivant ne suit pas toujours la logique linéaire de la médecine technologique :
– Les analyses de microbiote dans les selles sont à relativiser : les bactéries éliminées ne reflètent pas forcément celles qui sont actives au niveau de l’intestin (4)
– La corrélation entre AM et santé ne veut pas dire relation de cause à effet. Le développement de la bactérie pourrait aussi être la conséquence d’un terrain biologique favorable qui précède son apparition.
– Une bactérie apportée par un probiotique ne réensemence pas un microbiote. Si elle apport un bénéfice, pour maintenir ce bénéfice, il faut la prendre en continu.

En fait, il s’établit un équilibre entre la physiologie globale d’un organisme, ses échanges avec l’environnement et son microbiote intestinal, dans les limites du développement de celui-ci pendant l’enfance. Prendre un probiotique entre dans les échanges environnementaux. Quand la prise s’arrête, on retrouve généralement la situation d’avant la prise. La clef de la santé par le microbiote est un mode de vie qui favorise la diversité de celui-ci, bien avant la prise de probiotique qui n’est pas une démarche durable.

Références :
1. H. Plovier & P.D. Cani : Akkermansia muciniphila, une bactérie pour lutter contre le syndrome métabolique. Optimisation des effets bénéfiques et évaluation de la sûreté chez l’homme – Med Sci (Paris). 33(4): 373–375.
2. Recherche d’Akkermansia dans les selles 
3. Akkermansia muciniphila : un avis positif de l’EFSA en tant que novel food
4. Biologie Médicale intégrative

Aliments ultra-transformés : leur inadéquation se précise

Il est de plus en plus clair, en nutrition santé, que la consommation de produits ultra-transformés est le problème majeur, alors que celles de produits vrais, variés et à dominance végétale est la première orientation qui supplante toutes les autres (1).

Les études d’observation et d’intervention qui confirment l’effet global sur la santé des produits vrais se multiplient. Les mécanismes qui expliquent cela sont nombreux et se précisent au fil d’expérimentations ciblant un aspect particulier, précisant des relations de cause à effet.
– Une étude sur 20 adultes a évalué la consommation alternée pendant 14 jours de deux modes alimentaires intégrant soit des produits ultra-transformés (UT), soit des aliments non transformés (nUT). Dans les deux cas, les compositions nutritionnelles étaient les mêmes, il y avait trois repas et des collations, et aucune limite de quantité. Les résultats sont très significatifs : le régime à base de produits UT conduit à consommer 500 kcal de plus par jour et une prise de poids d’environ 1 g en moyenne. Un facteur marquant est la rapidité de consommation, deux fois plus rapide si les aliments sont UT. Or, on sait que le rassasiement, lié à la vitesse d’ingestion, arrive après une quantité plus importante si le rythme est rapide.
– Une recherche sur 13 femmes a évalué l’assimilation des acides gras oméga-3, EPA et DHA sur trois produits à base saumon : poisson intact, haché et une huile ajoutée à du poisson dégraissé, avec des compositions identiques en lipides dans les trois produits (3). L’assimilation était la meilleure pour le poisson intact et la moins bonne dans le mélange poisson dégraissé associé à de l’huile. Les facteurs de variation constatés sont le niveau de digestion des graisses et la vitesse de vidange gastrique.

Ces deux recherchent confirment que les produits UT sont moins bien adaptés que les produits vrais au système digestif et à la régulation de l’appétit, diminuant ainsi la capacité de ces produits à permettre une autorégulation des apports en fonction des besoins.

Références :
1. Anthony Fardet – Halte aux produits ultra-transformés ! Mangeons vrai. Thierry Souccar Éditions, 2017.
2. KD Hall & al : Ultra-Processed Diets Cause Excess Calorie Intake and Weight Gain: An Inpatient Randomized Controlled Trial of Ad Libitum Food Intake. Cell Metab. 2019, 30(1) : 67-77
3. N. A. Nasef & al : Salmon food matrix influences digestion and bioavailability of long-chain omega-3 polyunsaturated fatty acids. Food Funct. juin 2021