Lobbying et information nutritionnelle

C’est aujourd’hui un fait bien connu, les multinationales du secteur pharmaceutique et agroalimentaire consacrent un budget important pour le lobbying destiné à orienter l’information sur la santé dans un sens qui préserve leurs intérêts.
– En novembre 2016, une publication venant d’universitaires californiens, fondée sur une analyse rigoureuse des documents internes de la Sugar Research Foundation (SRF), des rapports historiques et des déclarations pertinentes aux premiers débats sur les causes alimentaires du risque cardiovasculaire, a révélé que l’industrie agroalimentaire liée au sucre a parrainé un programme de recherche dans les années 1960 et 1970, qui a réussi à jeter le doute sur les dangers du saccharose, tout en accusant le gras d’être le responsable des maladies cardiovasculaires (1). La rigueur de ce travail a été saluée, et les choses en sont restées là.
– En septembre 2020, des chercheurs suédois ont fait une revue de 21 études portant sur plus de 2 000 documents attestant de prises de position publiques d’experts, afin d’évaluer l’impact des conflits d’intérêts financiers et non financiers des professionnels de santé sur l’attribution de recommandations favorables pour un médicament ou un dispositif de santé. Ils ont démontré l’influence claire des liens d’intérêt des chercheurs sur les avis positifs qu’ils peuvent exprimer en tant qu’experts (2).
– En octobre 2022, l’université de Cambridge a publié une analyse sur l’Academy of Nutrition and Dietetics (AND), considérée comme plus grande organisation de professionnels de l’alimentation et de la nutrition américaine. Les documents révèlent une relation symbiotique entre l’AND, sa fondation (ANDF) et les entreprises de l’agroalimentaire et du médicament. Les sociétés aident l’AND et l’ANDF avec des contributions financières. En contrepartie, ces organisations agissent comme une voix pro-industrie dans certaines instances politiques, et avec des positions publiques qui entrent en conflit avec sa mission d’améliorer la santé à l’échelle mondiale.

Il peut sembler scandaleux qu’un lobbying défendant des intérêts financiers privés puisse avoir un effet contraire à la recherche d’une meilleure santé des personnes. C’est pourtant ainsi, ce n’est pas franchement illégal, et cela finalement n’est pas surprenant.
Il y a deux raisons fortes qui font que rien ne peut changer radicalement.
– La première est industrielle avec un lobbying qui a une puissance d’action suffisante pour maintenir le statu quo.
– La seconde est politique, avec la conscience pragmatique qu’il est impossible aujourd’hui de nourrir toute la population sans l’industrie agroalimentaire, et qu’il est donc nécessaire de la préserver, en espérant au mieux que son offre évolue.

Le changement individuel est lui tout à fait possible, pour celles et ceux qui ont compris que l’information officielle et véhiculée par les grands médias est à considérer avec prudence en intégrant qu’elle préserve certains intérêts. Ne pas oublier non plus que d’autres sources qui s’opposent à ce système reposent sur des idéologies contestables et diffusent des informations partisanes vis-à-vis de cette idéologie. Il existe aussi des sources indépendantes et fiables, que l’on peut consulter avec davantage de confiance.

Références :
1.Cristin E. Kearns & al : Sugar Industry and Coronary Heart Disease Research A Historical Analysis of Internal Industry Documents – JAMA Intern Med. 2016, 176(11) : 1680-1685
2. Camilla H Nejstgaard & al : Association between conflicts of interest and favourable recommendations in clinical guidelines, advisory committee reports, opinion pieces, and narrative reviews: systematic review – BMJ 2020, 371 : m4234
3. Angela Carriedo & al :  The corporate capture of the nutrition profession in the USA: the case of the Academy of Nutrition and Dietetics – Public Health Nutrition octobre 2022.

 

Les supplémentations efficaces pour la prévention cardiovasculaire

Pour établir la vérité scientifique actuelle sur l’intérêt de diverses complémentations sur la prévention des risques vasculaires, une publication du JAAC propose la synthèse d’une revue systématique et une méta-analyse d’essais d’intervention contrôlés randomisés sur les micronutriments.
Il en ressort des effets bénéfiques significatifs pour les oméga 3, l’acide folique (vit B9) et le coenzyme 10 ; pas d’effets significatifs pour les vitamines C,D,E et le sélénium ; et des effets néfastes pour le B carotène.
Finalement, rien de surprenant, la confirmation de l’intérêt d’un apport suffisant en oméga 3 et vitamine B9 et du fait que le ß carotène en supplémentation n’est pas une bonne idée.
L’intérêt du coenzyme Q10 comme soutien face au processus de vieillissement est à considérer.
Dans tous les cas, de telles complémentations sont difficiles à prendre en continu toute la vie, et il est bien difficile d’évaluer l’intérêt de cures de durée limitée.
Cela confirme une nouvelle fois qu’une alimentation diversifiée faisant la part belle aux oméga 3 et aux végétaux non transformés est la meilleure prévention, et aussi la plus économique.

Référence
An P et coll. : Micronutrient Supplementation to Reduce Cardiovascular Risk. J Am Coll Cardiol 2022 ; 80 : 2269-2285

 

La charge glycémique, un critère majeur de nutrition santé

Charge glycémique (CG) et index glycémique (IG) ont une signification assez proche. La CG est plus intéressante car elle considère l’impact réal de l’aliment sur un organisme et peut être ramenée à un repas, alors que l’IG est une valeur théorique qui qualifie la part glucidique des aliments indépendamment de leur proportion. Pour les deux, il est désormais reconnu que des valeurs élevées sont défavorables
Les puristes de la preuve pourront encore dire qu’aucune relation de cause à effet n’est établie. Il est en effet difficile de montrer expérimentalement une corrélation directe entre une augmentation de la charge glycémique des repas et des altérations de santé.
Les effets néfastes aliments à charges glycémiques élevées reposent sur deux constats :
– De tels aliments n’existent pas à l’état naturel, l’organisme n’est donc pas habitué biologiquement à les gérer. Cela ne prouve rien, mais cela donne un cadre favorable au dysfonctionnement.
– La convergence des études d’observations. Deux publications récentes portant sur un grand nombre de sujets (1,2) montent une nette corrélation entre index glycémique et/ou charge glycémique des repas et les pathologies métaboliques et vasculaires.
Cependant, la charge glycémique n’est toujours pas un critère mis en avant par les recommandations nutritionnelles officielles, qui évoquent timidement de réduire les sucres simples. Il est vrai que les recommandations pour tendre vers une CG basse seraient de limiter fortement les sucres ajoutés, les pommes de terre et les céréales raffinées, c’est-à-dire le socle des produits ultratransformés et de l’alimentation moderne industrialisée !

Références :
1. A. K. Dwivedi & al : Associations of Glycemic Index and Glycemic Load with Cardiovascular Disease: Updated Evidence from Meta-analysis and Cohort Studies – Curr Cardiol Rep – mars 2022, 24(3):141-161
2.  David J.A. Jenkins,& al : Glycemic Index, Glycemic Load, and Cardiovascular Disease and Mortality – April 8, 2021 – N Engl J Med 2021; 384:1312-1322

Les laves vaisselles intensifs des collectivités sont potentiellement toxiques pour nos intestins

Pour agir efficacement sur des cycles très courts (de quelques minutes), les lave-vaisselle professionnels utilisés dans la restauration et les cantines, agissent en trois temps : lavage à l’eau chaude en présence de détergents sous pression, puis rinçage avec divers agents chimiques, et séchage.
Du point de vue fonctionnel, c’est parfait. Le souci est que les agents de rinçage ne sont pas complètement éliminés, et parmi eux, les d’éthoxylates d’alcool (et peut-être à un degré moindre d’autres substances) ont une action toxique sur la muqueuse intestinale, avec une inflammation qui perturbe sa régénération. En clair, cela favorise l’atrophie et la perméabilité intestinale, dont on connaît aujourd’hui le rôle favorisant sur de nombreuses maladies chroniques.
L’expérimentation effectuée a testé les produits utilisés dans les lave vaisselle à très forte dilution, restituant le niveau de résidus que l’on peut trouver dans les assiettes, et constaté des effets toxiques.
Les produits de lave-vaisselle utilisés par les particuliers sont différents, et ne sont pas concernés par cette étude.

Référence :
I. Ogulur &t al.: Gut epithelial barrier damage caused by dishwasher detergents and rinse aids – The Journal of Allergy and Clinical Immunology, décembre 2022.

 

Les moules en silicone sont-ils sécures ?

Le relargage de composés toxiques par les différents matériaux utilisés en cuisine est une question récurrente.
Les silicones sont des produits technologiques formés d’une chaîne silicium oxygène avec divers groupements fixés sur le silicium. C’est une base relativement inerte et reconnue sans danger, qui a donné des applications médicales dans le domaine des prothèses. Selon l’usage recherché, la composition est différente et des additifs peuvent être ajoutés.
Deux types de matériaux sont utilisés pour les moules de cuisine : la silicone platinium, et la silicone peroxyde. Le premier est la plus haute qualité, coûteuse, théoriquement stable jusqu’à 260°C, alors le second, plus économique, peut être utilisé jusqu’à 230°C, avec une libération de siloxanes qui commence selon les tests, avant cette température.
Des essais réalisés par Que Choisir (1) et par 60 millions de consommateurs (2) ont montré des relargages de siloxanes, d’additifs, de colorants et de composés organiques volatils avec des toxicité potentielles. Les quantités varient de manière importante selon les marques, et les plus chers n’offrent pas la meilleure qualité. Dans l’un des essais qui compare avec le Téfflon® , ce dernier s’en sort mieux.

Références :
1. Essai Que Choisir 2022 
2. Essai 60 millions de consommateurs 2019

Le curcuma peut-il être dangereux ?

Les extraits de curcuma ont la cote, et la course technologique pour proposer des produits à curcumine hautement assimilable à conduit à une offre pléthorique (1).
Un rapport de l’Anses du 27 juin 2022 met en garde contre la consommation de complémentaires à base de curcuma, suite au recensement en Italie d’une vingtaine d’hépatites, et d’une quinzaine en France (sur un total d’une centaine de signalements pour effets indésirables).
La dose de sécurité en curcumine établie est de 180 mg par jour. Les apports alimentaires pour de gros consommateurs ne dépassent pas 30 mg quotidiens, la limite de sécurité des compléments est donc de 150 mg par jour.Ces limites, qui intègrent le niveau d’assimilation de la curcumine sous sa forme classique, qui est la meilleure dans la poudre de curcuma sont généralement respectées. Cependant, les nouvelles spécialités ont usé de moyens technologiques permettant une augmentation considérable de l’assimilation. Dans ce contexte, la limite de sécurité ne veut plus rien dire.Outre les hépatites, les autres effets secondaires relatés sont une mauvaise tolérance en cas de lésion des voies biliaires (la curcumine est fortement cholérétique), et des interactions médicamenteuses avec les anticoagulants, les anticancéreux et les immunosuppresseurs.
L’ANSES préconise d’éviter les compléments à base de curcuma en cas de pathologie des voies biliaires, de prise de médicaments précités, et recommande pour les produits technologiques de connaître la dose de sécurité en fonction des données de biodisponibilité.

Cette observation révèle comment l’industrie du complément alimentaire en cherchant, à l’instar de sa consœur pharmaceutique des produits à effet curatif puissant oublie que de tels apports non physiologiques, peuvent avoir des effets collatéraux néfastes.
Elle a fait oublier que la meilleure forme de curcuma est sa poudre, qui est un totum de plante contenant une curcumine plus assimilable que les extraits (hors technologie), et avec lesquels on peut atteindre des doses actives sans dépasser le seuil de sécurité. Pour faciliter la prise de plusieurs grammes quotidiens (3 à 12), on peut fabriquer soi-même des gélules (3).

Références :
1. Curcuma : bienfaits naturels, optimisation des effets, privatisation des profits et confusion de l’information !
2. ANSES : Des effets indésirables liés à la consommation de compléments alimentaires contenant du curcuma
3 Althea-Provence : curcuma – anti-inflammatoire et antioxydant