SOMMAIRE

Le saumon est le poisson gras, riche en oméga 3, le plus apprécié des consommateurs. Sa valeur éthique et nutritionnelle pose cependant de nombreuses questions qui s’emmêlent dans un casse-tête qui peut sembler sans issue.
Le saumon sauvage, a priori le plus intéressant, est en voie d’extinction et sa qualité diminue régulièrement. L’élevage en recherche de productivité conduit à des aberrations écologiques et éthiques, et même les labels qui garantissent une certaine qualité pour d’autres produits alimentaires ne donnent pas dans ce cas une vraie garantie.
Alors, peut-on aujourd’hui consommer du saumon de manière pertinente du point de vue de l’alimentation santé en respectant des valeurs éthiques et écologiques ?

Une vie entre mer et rivière…

Le saumon désigne plusieurs espèces de poisson de la famille des salmonidées avec deux groupes distincts : une espèce du genre Salmo (Salmo salar) que l’on trouve dans le nord de l’océan atlantique, et huit espèces du genre Oncorhynchus localisées dans le nord du pacifique.
Le saumon atlantique naît et grandit en eau douce, dans des zones loin de l’embouchure. Après un à deux ans (dans leur cycle naturels), ils partent instinctivement vers l’océan où ils vivent un à trois ans, avant de revenir sur le leu de leur naissance qu’ils ont mémorisés. Ils y meurent ou repartent pour un cycle. Ils parcourent généralement plusieurs milliers de kilomètres. C’est lors de leur remontée des fleuves et rivières à la fin de l’été qu’ils étaient traditionnellement capturés. Ils ont aujourd’hui disparu de nombreux fleuves et rivières, pour diverses raisons, en particulier le fait que leur parcours ait été entravé par des barrages infranchissables.

Valeur nutritionnelle originelle du saumon

Dans sa forme originelle, c’est-à-dire tel qu’il se trouvait à l’état sauvage il y a plusieurs décennies, il présente toutes les qualités nutritionnelles d’un poisson gras : des protéines complètes et digestes, des manières grasses qui poussent les ratios lipidiques dans le sens le plus favorable à la santé (haut niveau d’insaturation et rapport oméga6/oméga3 très faible), une forte densité nutritionnelle avec des minéraux présents dans des proportions favorables (magnésium, zinc, sélénium notamment), des vitamines B (notamment B12), de la vitamine D et même un peu d’iode (1).
Il pourrait ainsi trouver une place de choix dans une alimentation diversifiée. Associé à des légumes crus et cuits dans un plat unique, il constitue un ensemble quasi idéal pour répondre aux besoins des organismes humains.
Cependant, le saumon d’aujourd’hui n’est plus le saumon idéal du passé.

Le saumon sauvage

C’est un poisson abondamment pêché, trop du point de vue de sa capacité de renouvellement puisque les stocks estimés ont baissé d’au moins 50 % (2) et qu’à ce rythme, l’espèce pourrait devenir menacée.
La qualité nutritionnelle a évolué du fait que les saumons d’aujourd’hui ne se nourrissent plus comme les saumons d’hier. L’écosystème marin ayant évolué et certains saumons vont même se nourrir autour des bassins d’élevage installés au large des côtes. Comme tous les autres poissons, ils ingèrent et accumulent des polluants de l’océan, notamment des métaux et des toxiques organiques persistants.
Les données disponibles sur la teneur en mercure du saumon sauvage sont contradictoires et semblent avant tout inconstantes. Dans l’ensemble, cette espèce n’est pas classée avec les plus contaminées : marlin, espadon thon (3). D’autres métaux sont présents en quantité faible mais non négligeable (4).

Le saumon d’élevage

L’élevage du Saumon a commencé dans les années 1970 et sa croissance est devenue rapidement exponentielle, dépassant la pêche de espèces sauvages, pour atteindre dans les années 2000 le million de tonnes annuel. Le saumon atlantique est dominant, avec plus de 90% de la production en Norvège. Une espèce du pacifique (le saumon argenté) a été adaptée au Chili qui est devenu de second producteur.
La salmoniculture doit à la fois respecter la biologie des saumons, et crée des conditions artificielles pour localiser les deux étapes de son cycle : eau douce, puis eau de mer. Des sélections et des hybridations (5) sont effectuées pour obtenir des variants qui supportent ce cadre artificiel et prennent du poids rapidement. Des formes transgéniques ont été mises au point et se heurtent actuellement à l’absence d’autorisation.
L’aquaculture semble une bonne idée pour répondre à la consommation en forte hausse depuis les années 1980. Cependant, ce poisson est peu adapté à la vie dans des bassins étroits, et encore moins dans les cages immergées dans lesquels ils sont entassés. Une conséquence objective est leur richesse accrue en matière grasse. Cela pourrait être un avantage nutritionnel du fait que le gras du saumon est favorable. Cela reste vrai, même si la qualité est inférieure à celles des poissons sauvages : plus d’acide gras saturés, et un ratio oméga6/oméga3 dépendant de la nourriture apportée, avec une valeur généralement plus élevée que le sauvage.
Les élevages intensifs de saumon, près des côtes ou plus au large, posent un certain nombre de problèmes :
– Les déjections concentrées détériorent le fond marin avec des conséquences sur l’écosystème local.
– La concentration de saumons dans un espace réduit augmente le risque de maladie et nécessite des traitements qui laissent des résidus toxiques dans les poissons et contamine le milieu marin ambiant et les autres espèces qui y séjournent. Les traitements antibiotiques ont été réduit grâce au développement de vaccins.
– La nourriture doit faire un choix difficile entre l’utilisation de petits poissons pêchés sur les côtes (ce qui contribue à épuiser les stocks marins) ou des produits agroalimentaires industriels moins bien adaptés qui vont modifier la composition nutritionnelle des saumons produits en élevage.
La quantité de toxiques stockée dépend des conditions de production et peut ainsi varier de manière importante selon les origines. Les toxines proviennent soit de traitements administrés aux poissons, soit d’additifs ou de contaminants présents dans leur alimentation. Selon certaines sources, les saumons d’élevage seraient parmi les poissons les plus contaminés, mais cela reste mal documenté. Les métaux, en dehors de l’arsenic, semblent moins abondants qu’à l’état sauvage (3).
Le bien-être animal, complètement oublié par les élevages intensifs, est mieux pris en compte dans les productions labellisées (6)

Les saumons transgéniques

Le saumon transgénique n’est pas encore disponible dans les rayons mais il est bien une réalité (9). La société AquaBounty qui possède une ferme salmonicole dans l’Ohio a été prévue pour une production annuelle de 10 000 tonnes, jusqu’à l’augmentation importante du coûts des matériaux en 2022 qui a conduit à mettre le projet en pause, sans qu’il soit pour autant abandonné.
En introduisant dans son génome des codes activant l’hormone de croissance, le développement de ces saumons OGM est rapide, et donc économiquement intéressant. Les premiers lots ont été envoyés dès 2021 dans certains restaurants américains en échappant aux obligations d’étiquetage.
Les risques  que présentent ces saumons génétiquement sont de deux ordres : sanitaire avec la présence possible de facteurs de croissance, et écologique s’ils s’échappent dans la nature et viennent concurrencer les espèces sauvages par leur prolifération plus rapide. Leur qualité nutritionnelle, encore mal connue, pourrait être avantageuse ou non. L’avenir le dira…

Les labels, une garantie utile, aux effets limités

Certains saumons d’élevage suivent un cahier des charges qui limitent la surpopulation dans les bassins, les manipulations génétiques sur les œufs, et garantissent une alimentation majoritairement d’origine marine en pêche durable.
Il existe notamment des produits certifiés biologiques ou Aqualabel, la version du Label Rouge appliquée aux produits d’origine aquatique (7).
Cela n’empêche pas certains traitements ni les contaminations liées au fait que les cages sont ouvertes sur le milieu marin et peuvent être contaminées par des xénobiotiques utilisés dans des élevages conventionnels voisins. Des contrôles effectués par une association de consommateurs ont révélé la présence de pesticides et de métaux dans plus de la moitié des saumons biologiques testés (8). 

La couleur du saumon, une indication trompeuse

Les saumons sauvages sont riches en astaxanthine, un colorant naturel présent dans les crevettes qui lui donne sa couleur orangée, qui est également un excellent antioxydant ! Cette couleur est la garantie d’une alimentation diversifiée répondant aux besoins naturels de l’espèce.
Ceux qui proviennent d’élevage devraient être naturellement gris. Les éleveurs ajoutent de l’astaxanthine de synthèse, dont la qualité antioxydante est moins certaine, et peuvent ainsi contrôler la couleur finale qu’ils souhaitent obtenir, sans aucune corrélation avec la qualité de l’alimentation des poissons.

Le fumage, une transformation qui a des conséquences

Le saumon est souvent présenté fumé, ce qui allie un intérêt gustatif et une grande facilité par absence de préparation. Il y a diverses qualités de fumage. Effectué de manière lente et traditionnelle avec des bois naturels, il est peu dénaturant et contient au final peu de produits néoformés. Réalisé industriellement et au pire avec l’ajout d’arôme fumés, il contient de manière probable des composés potentiellement cancérigènes.

La congélation, un risque de détérioration limité

Certains saumons sont garantis « jamais congelé », de manière à préserver au maximum les nutriments fragiles, notamment les oméga 3. C’est théoriquement vrai. Une congélation et décongélation uniques et bien conduites ont toutefois un impact limité sur la composition nutritionnelle

Consommer ou non du saumon, et si oui lequel ?

Pour un puriste recherchant un idéal nutritionnel, écologique et éthique, il est évident que le saumon sera banni, tout comme de nombreux aliments, avec pour conséquence une limitation de la vie sociale et une perte de diversité alimentaire, ce qui au final n’est probablement pas avantageux.
Le saumon est un aliment parmi d’autres, avec une qualité gustative et nutritionnelle qui mérite l’attention. En appliquant le principe majeur de nutrition santé selon lequel la diversité cumule les avantages et dilue les inconvénients, il trouve tout à fait sa place, avec modération, dans une alimentation diversifiée. Une fois par semaine est un repère sur lequel se rejoignent plusieurs auteurs. Plutôt frais que fumé, ou fumé traditionnellement. D’autres espèces peuvent compléter un idéal nutritionnel de poisson  trois fois par semaine.
Avec cette modération, les inconvénients semblent au final peu préoccupants face aux avantages. Le choix se fera donc selon les valeurs prioritaires de chacun :
– Saumon d’élevage classique : pour les petits budgets
– Saumon sauvage : pour la meilleure qualité nutritionnelle
– Saumon d’élevage labellisé : pour une éthique de la condition animale et la préservation de l’espèce sauvage

La truite est-elle une alternative avantageuse d’aquaculture ?

Ce sujet fera l’objet d’un prochain article : la truite comme alternative au saumon

RÉFÉRENCES

Image de Jacques B. Boislève
Jacques B. Boislève

Consultant Formateur - Nutrition, psychologie et santé intégratives

Cet article a 2 commentaires

  1. CB

    Merci pour cet article très clairvoyant sur le saumon

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