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Le comportement alimentaire est un facteur clef de l’optimisation nutritionnelle durable.
Il repose sur des bases biologiques particulièrement performantes pour assurer l’adéquation des apports alimentaires aux besoins, dès lors que :
– L’offre alimentaire entre dans le cadre que notre mémoire biologique connaît, ce qui exclut les produits ultra-transformés,
– Les automatismes innés ne sont pas trop déviés par des habitudes inadéquates acquises lors de la construction psychologique.
Lorsqu’un changement alimentaire est souhaité, à titre préventif ou curatif, dans un objectif d’amélioration de la santé, il ne suffit pas de savoir ce qui est bénéfique pour le consommer.
Le contrôle cognitif qui va remettre les choses dans l’ordre est une solution illusoire, parce que la volonté seule ne peut pas orienter durablement des automatismes spontanés. C’est donc par d’autres modes d’installation du changement que celui-ci est possible de manière pérenne.
Ces deux observations nous indiquent à quel point la prise en compte du comportement alimentaire, ainsi que l’utilisation d’outils d’accompagnement adéquats pour favoriser son évolution, sont nécessaires lors d’un accompagnement nutritionnel visant un objectif durable.

L'automatisme biologique complexe du comportement alimentaire

Le comportement alimentaire implique plusieurs zones du système nerveux, des neuromédiateurs plus ou moins spécifiques, et une variété d’hormones d’origine cérébrale, digestive, pancréatique, ou adipocytaire. Il règle la faim, la satiété, parfois des désirs spécifiques et l’orientation métabolique vers l’utilisation ou le stockage, en fonction des besoins estimés et du contexte environnemental. Sa complexité est telle que comprendre l’ensemble du mécanisme est au-delà du potentiel mental. Nous pouvons alors constater qu’il s’est ainsi construit pour remplir au mieux sa fonction : ajuster les apports alimentaires aux besoins de l’organisme.
En dehors de situations avec des facteurs perturbants clairement identifiables (lésion cérébrale, maladie avec un impact hormonal, prise de substances psychotropes), il est illusoire de vouloir orienter favorablement et durablement les automatismes comportementaux par le contrôle.
Il reste alors la possibilité de faire confiance à l’intelligence naturelle et la soutenir dans ce qu’elle sait faire en lui apportant un contexte favorable qu’il connaît : alimentation naturelle, activité physique, sommeil, détente…

Des facteurs psychologiques perturbants

Au fil de l’évolution de l’humanité, lorsque la vie a cessé d’être entièrement consacrée à la survie, le facteur plaisir s’est développé, et la capacité de la nourriture à activer le système cérébral de récompense en a fait un moyen de compensation face aux émotions déstabilisantes. S’alimenter peut alors se produire en dehors d’une nécessité nutritionnelle, ce qui perturbe les automatismes biologiques de faim, satiété, désirs spécifiques et orientation métabolique.
Les mécanismes de compulsions ou addiction, à différents niveaux, sont désormais fréquents.
En réponse à ces déviations ou pour satisfaire certaines valeurs, le contrôle cognitif est la solution la plus souvent adoptée pour ajuster les apports aux choix mentaux, qui sont généralement déconnectés des besoins réels de l’organisme, que le mental ne peut pas connaître.
Ce contrôle cognitif est un grand perturbateur du comportement alimentaire. Sa forme extrême, l’anorexie mentale, est dramatique. Une forme plus habituelle de contrôle en réponse à la culpabilité de manger est un facteur majeur de l’installation du surpoids dans la durée.

Un environnement déterminant

Après les automatismes biologiques et les mécanismes de compensation ou de contrôle psychique, le facteur environnemental vient complexifier encore davantage le comportement alimentaire. La nature de l’offre disponible, le cadre temporel des repas parfois imposé par l’organisation sociale, les effets de groupes stimulés par les convives, peuvent induire et entretenir des automatismes comportementaux. L’adaptation au contexte peut devenir prioritaire face aux besoins personnels.

Comportement alimentaire pathologique ou dysfonctionnel ?

Tous ces facteurs font que le comportement alimentaire de chacun est unique. Il est la conséquence d’une conjugaison de notre capacité génétique innée avec notre terrain biologique acquis, notre construction psychique au cours de notre histoire personnelle, et de nos choix actuels de mode de vie (écologie personnelle).
Une situation idéale permettrait un ajustement parfait des apports nutritionnels aux besoins de l’organisme par la faim, les désirs spécifiques et la satiété. Il est possible de s’en approcher lorsqu’un rapport à la nourriture totalement pacifié est face à une offre alimentaire variée de produits naturels.
À l’opposé, certains troubles du comportement alimentaire ont un tel impact sur la vie des personnes qu’ils sont répertoriés comme des troubles mentaux pris en charge par la psychiatrie : anorexie mentale, boulimie nerveuse, hyperphagie boulimique, addiction à la nourriture… Ils sortent alors du cadre de l’accompagnement nutritionnel.
Entre ces deux extrêmes, la situation la plus courante est un comportement alimentaire qui ne permet pas d’adopter la nutrition la plus favorable à notre santé, alors même que nous le savons. Nous ne pouvons tout simplement pas faire autrement, sauf au prix d’un contrôle fatigant qui finira tôt ou tard à ouvrir des fenêtres de perte de contrôle.
Un tel comportement que l’on pourrait qualifier de dysfonctionnel, est le frein principal à la mise en place d’une alimentation santé préventive, y compris lorsque celle-ci est conseillée par l’autorité d’un professionnel.

L’information nutritionnelle n’est pas suffisante pour induire un changement durable

L’expérience a montré que généralement, l’information nutritionnelle fait évoluer la connaissance de la nutrition mais ne change pas les principales habitudes alimentaires. De même, dans la majorité des cas, les conseils donnés en consultation ne sont pas suivis de changements notables et durables.
C’est pourquoi la prise en compte de la résistance au changement comportemental est un atout majeur dans l’accompagnement nutritionnel. Les nutritionnistes doivent-ils pour cela être aussi des psychothérapeutes ? Cela n’est pas nécessaire. Les différents outils d’accompagnement qui favorisent le changement sont plutôt de l’ordre du coaching et peuvent être acquis par toutes celles et ceux qui s’investissent dans leur apprentissage.

Des solutions simples et pourtant difficiles à mettre en œuvre

Dans l’ensemble complexe des facteurs qui agissent sur le comportement alimentaire, peu sont des leviers d’action en vue d’un changement durable.
L’abandon de tout désir de contrôle cognitif, la mise en place d’un cadre favorable, et le développement de la conscience face à la nourriture sont trois préalables nécessaires.

Un programme pourrait reposer sur les 5 pistes suivantes :
1. Se rapprocher des conditions naturelles pour lesquelles nous sommes plus adaptés, en choisissant le cadre de notre alimentation : approvisionnement et conditions de prise les repas.
2. Augmenter la conscience de l’acte alimentaire et de ses conséquences pour favoriser un processus évolutif spontané personnel, en lâchant autant que possible le contrôle cognitif dès lors qu’il s’oppose aux ressentis corporels ou émotionnels. Poser une intention et observer consciemment ce qui se passe vraiment, plutôt que vouloir changer par la force de la volonté.
3. Développer la capacité à prendre du plaisir en se nourrissant, plutôt que d’aller chercher un plaisir compensatoire en mangeant.
4. Lenteur et mastication sont toujours favorables.
5. Avoir la patience d’apprendre ou réapprendre des comportements favorables qui n’ont pas pu se développer ou se sont atrophiés face à des mécanismes compensatoires.

Tout serait finalement simple s’il n’y avait pas la résistance au changement, qui doit être prise en compte et accompagnée si besoin avec les outils adaptés (2).

RÉFÉRENCES

  1. Tous les aspects du comportement alimentaire sont synthétisés et détaillés dans le chapitre V du livre Nutrition Santé Essentielle.

  2. Une synthèse documentée et complète : F. Bellisle : Faim et satiété, contrôle de la prise alimentaire – EMC – Endocrinologie 2005, 2(4) : 179-197

  3. Parmi les techniques utiles : développement de l’acceptation (thérapie ACT), méditation pleine conscience, EFT, visualisation (avec ou sans hypnose), programmes TCC (auto-observation, restructuration cognitive, apprentissage de comportements bénéfiques)
Image de Jacques B. Boislève
Jacques B. Boislève

Consultant Formateur - Nutrition, psychologie et santé intégratives

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