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Sommaire

Les FODMAPs regroupent un ensemble de nutriments glucidiques responsables d’une forme d’intolérance alimentaire spécifique, bien distincte des autres formes qui concernent principalement les protéines. Cette première précision est nécessaire pour clarifier les choses, avant d’envisager les différents types de glucides concernés dans cette famille complexe.

Différentes formes d'intolérances alimentaires

La formule « sans gluten et sans lactose », devenue courante, est révélatrice de la grande confusion qui règne sur les intolérances alimentaires. Le gluten est une protéine céréalienne impliquée dans la maladie cœliaque, pathologie très spécifique à mécanisme auto-immun, qui touche environ 1% de la population. Le lactose est le sucre du lait, mal digéré par 10 à 40 % de la population française (selon les sources). Ce sont deux mondes très différents ! Le comble de cette formule très maladroite est que de nombreuses personnes qui emploient l’expression « sans gluten et sans lactose » n’ont pas la maladie cœliaque et digèrent plutôt bien le lactose, et se privent de produits laitiers qui n’en contiennent pas ! Elles peuvent en revanche souffrir d’une mauvaise tolérance aux protéines céréaliennes et laitières, avec un mécanisme qui n’est ni la maladie cœliaque, ni l’intolérance au lactose. Cette expression sans cesse répétée illustre la confusion ambiante. Elle ne favorise pas les stratégies optimales qui limitent la privation à ce qui est vraiment nécessaire.
Pour y voir plus clair, considérons les intolérances alimentaires selon la famille de nutriment concernée. Il y en a quatre :

1.1. Les protéines. Elles contiennent une information d’identité qui peut faire réagir le système immunitaire. Nous connaissons aujourd’hui trois formes d’intolérance aux protéines alimentaires :
– Les allergies à IgE (hypersensibilité immédiate), correspondant à ce qui est couramment dénommé « allergie alimentaire ». Ce mécanisme est très bien connu de la médecine. Les allergies concernées sont diagnostiquées sans équivoque par des tests cutanés chez l’allergologue, ou par des tests sanguins en laboratoire. L’expression clinique est variable, avec souvent des manifestations cutanées. Il existe des formes graves, parfois mortelles (choc anaphylactique) pour certains aliments dont l’arachide.
– La maladie cœliaque est associée à un processus auto-immun qui ne se produit qu’en présence du gluten de certaines céréales, dont le blé.
– Les intolérances non allergiques et non cœliaques aux protéines regroupent toutes les autres réactions aux protéines alimentaires. Elles ont un mécanisme et une incidence mal connus. La médecine académique résiste à reconnaître cette forme pour laquelle il n’y a pas de test consensuel. Cette intolérance semble cependant toucher beaucoup plus de sujets que les deux formes précédentes. Elle ne provoque pas de forte réaction à partir de traces, et ne nécessite pas à priori une éviction totale. Elle favorise l’atrophie intestinale qui explique au moins en partie les conséquences observées. Il y a une part psychologique établie, difficile à séparer d’une part biologique qui peut aussi être observée. C’est la plus nébuleuse des intolérances alimentaires

1.2. Les glucides. Ils ont une structure identique chez tous les êtres vivants. Il n’y a pas de facteur identitaire, et donc pas d’intervention du système immunitaire. L’intolérance provient d’une mauvaise digestion ou assimilation qui favorise les fermentations. Ce sont les FODMAPs, qui seront développés plus loin. Certaines personnes aux intestins fragiles ont une mauvaise tolérance aux fibres insolubles. C’est un autre mécanisme, par un effet irritant, qui invite à limiter certains aliments comme le pain et le riz complet, ainsi que les crudités.

1.3. Les lipides. Il n’y a pas d’intolérance au sens habituel. Chez certaines personnes, du fait d’une insuffisance de la fonction biliaire, on observe une difficulté à digérer les graisses au-delà d’une certaine quantité.

1.4. Autres structures. Il peut y avoir dans les aliments des sulfites, des additifs alimentaires (dont le glutamate) ou certains composés générateurs d’histamine conduisant à de « fausses allergies ». Ces autres structures sont responsables d’intolérances variées dont les effets sont proportionnels à la quantité ingérée.

Les FODMAPs

FODMAP est un acronyme anglais signifiant Fermentescibles Oligosaccharides, Disaccharide, Monosaccharide et (And) Polyols. Ce sont donc des glucides à faible polymérisation (1, 2 ou quelques monomères), qui chez certaines personnes ne sont pas assimilés dans la partie haute de l’intestin et poursuivent leur chemin vers la partie basse, où ils sont fermentés par la flore digestive. Ce phénomène produit des désagréments.
Les FODMAPs se répartissent en quatre familles :
2.1. Les monomères : le fructose
Le fructose est un monosaccharide dont le devenir métabolique dans l’organisme est spécifique, indépendant du circuit emprunté par le glucose, et de tous les autres sucres qui sont préalablement transformés en glucose avant d’être métabolisés. Au-delà d’une certaine quantité, qui n’est pas dépassée par la consommation de fruits, alors qu’elle peut l’être rapidement avec les produits industriels contenant des sucres ajoutés, les effets de ce sucre deviennent néfastes. Il favorise alors l’insulino-résistance, la stéatose hépatique et la prise de poids. Avant d’en arriver là, le fructose peut être mal assimilé. C’est pour cela qu’il est aussi un FODMAP.
Il existe deux mécanismes d’intolérance au fructose. Le premier est un déficit de métabolisation, grave mais rare. C’est une maladie héréditaire prise en charge médicalement avec des évictions rigoureuses. Le second est un déficit d’assimilation, beaucoup plus fréquent, qui s’installe sur un terrain de faiblesse génétique sous l’influence de divers facteurs dont l’inflammation et le stress. Les effets sont alors proportionnels à la dose ingérée. Au-delà d’un certain seuil, propre à chacun, le fructose non assimilé provoque des fermentations intestinales. Les aliments qui en contiennent une proportion notable sont alors mal tolérés. Il s’agit principalement de certains fruits (pomme, poire, mangue, pastèque, melon, kaki), surtout s’ils sont consommés crus puisque la cuisson diminue en général la teneur en fructose. Le miel, le sirop d’agave et divers produits transformés sont aussi concernés.
2.2. Les dimères : le lactose
Le lactose est un disaccharide présent dans le lait. Pour être assimilé, il doit préalablement être digéré avec dissociation de ses deux monomères : glucose et galactose. Cette décomposition se produit sous l’effet d’une enzyme pancréatique, la lactase, dont l’action est optimale chez l’enfant en bas âge. Puis, l’expression de cette enzyme est réprimée, du fait que dans la mémoire de l’espèce, le lait disparaît définitivement de l’alimentation quand l’enfant cesse d’être allaité. Les adultes dépourvus de cette activité lactase ne peuvent donc plus digérer normalement le lactose. Dans les populations où la consommation des produits laitiers est récente (Asie, Afrique), l’intolérance est quasi générale. Lorsque les produits laitiers sont consommés depuis longtemps, comme en Europe occidentale, une partie de la population s’est adaptée et conserve une activité lactase suffisante. L’intolérance ne touche alors que certains sujets, à des degrés divers, c’est pourquoi il est difficile de donner un pourcentage précis.
Dans ce cas, la consommation de produits laitiers riches en lactose (lait, yaourts jeunes, fromages frais) conduit à une fermentation suivie de troubles digestifs. L’origine du lait (vache, chèvre, brebis) n’a aucune influence. En revanche, les fromages affinés qui ne contiennent plus que des traces de lactose ne sont pas concernés, car les conséquences ne se manifestent qu’à partir d’une certaine quantité.
2.3. Les polyols
Ce sont des substances différentes des glucides habituels. Ils sont assimilés à ce groupe nutritionnel du fait qu’ils contiennent également plusieurs groupements hydroxyles dans leur structure. Les plus courants sont le sorbitol, le mannitol et le xylitol. Le sorbitol se trouve naturellement dans certains fruits : pomme, poire et fruits à noyau (pêche, abricot, cerise, prune). Les pruneaux sont les aliments les plus riches. Le mannitol se trouve dans les champignons. Tous les polyols sont des additifs, largement utilisés par l’industrie pour leurs pouvoirs édulcorants, principalement dans les chewing-gums, les confiseries et les compléments alimentaires.
Leur assimilation passive s’effectue dans l’intestin grêle proximal. Elle est plus ou moins performante selon les sujets. Lorsque la quantité apportée dépasse la capacité d’assimilation, ils provoquent des fermentations.
2.4. Les fructo-oligo-saccharides (FOS) et galacto-oligo-saccharides (GOS)
Ce sont diverses structures contenant du fructose ou du galactose
Les FOS ou fructanes comprennent notamment l’inuline et les levanes. On les trouve dans les céréales (blé, seigle, orge), le topinambour, l’oignon, l’ail, le poireau, l’artichaut, la chicorée, le pissenlit, le yacon (racine sud-américaine).
Les GOS ou galactanes comprennent notamment le raffinose et le stachyose. On les trouve dans les légumineuses, les algues (agar-agar, carraghénane), les crosnes, et à un degré moindre dans certains légumes (betterave, brocoli, chou de Bruxelles, haricot vert, fenouil).
Ces structures ne sont pas ou peu digérées par le tube digestif humain. Elles nourrissent alors la flore intestinale qui sait très bien les assimiler. Elles sont considérées comme des prébiotiques. Elles provoquent aussi des fermentations avec chez certaines personnes des conséquences désagréables. Il y a donc dans ces substances une réelle ambigüité. D’un côté elles nourrissent bénéfiquement la flore intestinale (effet prébiotique ou bifidogène), de l’autre elles peuvent générer des flatulences désagréables

Conséquences sur la santé des fermentations intestinales

Une fermentation intestinale avec une production excessive de gaz est responsable de ballonnements, de flatulences et de douleurs par distension, qui sont les principaux désagréments des troubles fonctionnels intestinaux, notamment le syndrome de l’intestin irritable. C’est la face visible du problème, ressentie immédiatement et qui conduit à chercher une solution.
Les conséquences plus générales des fermentations digestives ne font pas l’objet d’un consensus. Elles ont été mis en avant depuis plusieurs années par Bruno Donatini (1,2), qui en fait sa spécialité et propose des solutions clé en main (formation, vente d’analyseur et de produits). Il considère la fermentation excessive comme une cause majeure de la détérioration de la santé, en favorisant l’atrophie intestinale, la fragilité immunitaire, les syndromes dépressifs, et les perturbations métaboliques pouvant conduire selon le contexte à la prise de poids ou à l’impossibilité d’en prendre.
Il y a donc deux niveaux de conséquence :
– Des effets désagréables immédiats qui perturbent le confort de vie et demandent légitimement une solution.
– Des effets délétères sur la santé générale, selon une hypothèse documentée mais non consensuelle, qui conduit à en faire un point prioritaire de la santé générale.

Diagnostic des intolérances aux FODMAPs

Le diagnostic est simple en théorie et difficile à mettre en œuvre. Il se fait à partir d’un test respiratoire qui mesure le niveau d’hydrogène expiré, proportionnel à l’activité de fermentation de la flore intestinale. En effectuant une mesure avant, et toutes les 30 m durant 3 ou 4 heures après un apport standardisé de FODMAP (fructose, lactose, sorbitol, fructane…), l’observation d’une augmentation significative de l’expiration d’hydrogène après ingestion d’un type de glucide signe l’intolérance à celui-ci.
Les tests respiratoires qui mesurent en une seule fois plusieurs gaz, et font ensuite une interprétation codifiée (méthode Donatini), évaluent le niveau et le type de fermentation de l’organisme. Ils ne précisent pas l’implication de telle ou telle famille de FODMAP.
En l’absence d’appareil de mesure des gaz respiratoires, le test peut se faire de manière plus artisanale en observant l’évolution clinique dans les heures qui suivent l’ingestion significative du nutriment que l’on veut tester. Il est alors préférable qu’il soit purifié, car dans les aliments entiers (fruits notamment), plusieurs facteurs de troubles digestifs possibles sont associés (fructose, sorbitol, fibres irritantes…).

L'expérimentation directe

L’évaluation de notre tolérance aux FODMAPs peut aussi se faire par un test d’éviction suivi d’une réintroduction séquentielle. Cette méthode a des avantages : elle est gratuite, globale et se déroule dans les conditions alimentaires réelles. Elle a aussi des inconvénients : elle est contraignante sur une longue période, laisse une place importante à la subjectivité et à l’interférence d’autres facteurs qui peuvent fausser l’interprétation.
Il y a divers protocoles. Celui qui est proposé ici (2), sur 12 semaines, n’est qu’un exemple. La première phase conduit normalement à une amélioration significative des symptômes digestifs. Leur réapparition après réintroduction d’une famille d’aliments signe la responsabilité de celle-ci. Il faut alors reprendre l’éviction pour retrouver le niveau d’amélioration déjà obtenu, avant de poursuivre les réintroductions.

Semaines  
1 à 6

Éliminer toutes les principales sources alimentaires* de FODMAPs

Tous les FODMAPs

Semaine 7

Réintroduire les fruits à noyau et les pruneaux

Polyol = sorbitol

Semaine 8

Réintroduire les champignons

Polyol = mannitol

Semaine 9

Réintroduire les produits laitiers

Lactose

Semaine 10

Réintroduire les légumineuses

Oligosaccharides = galactanes

Semaine 11

Réintroduire le blé (pain)

Oligosaccharides = fructanes

Semaine 12

Réintroduire le fructose : mangue, miel, sirop d’agave

Fructose

* Liste des évictions :
– parmi les fruits : les pommes, les poires, les fruits à noyau, le melon, la pastèque, le kaki, les fruits secs et particulièrement les pruneaux
– parmi les légumes : champignon, oignon, ail, poireau, artichaut, famille des choux, topinambour, crosne.
– parmi les céréales : blé, orge, seigle
– toutes les légumineuses
– les produits laitiers, excepté les fromages longuement affinés

Place de la diète FODMAP dans une démarche santé

La diète FODMAP stricte est contraignante : elle nécessite de supprimer un grand nombre d’aliments. Pour limiter la restriction, il faut faire des tests spécialisés ou une longue épreuve de 12 semaines.
D’autre part, elle supprime de l’assiette un grand nombre d’aliments qui ont des vertus santé : fruits, légumes, sources de prébiotiques. Leur absence peut compromettre l’équilibre alimentaire.
Dans ce contexte, le bénéfice global obtenu est-il supérieur aux divers problèmes posés ? La réponse est individuelle et va dépendre d’au moins trois facteurs :
– L’intensité des troubles fonctionnels intestinaux.
– L’importance que l’on donne à la fermentation intestinale comme facteur de santé générale (thèse Donatini).
– La capacité à intégrer durablement le changement alimentaire en tenant compte de l’écosystème de la personne, y compris sa vie familiale et sociale.
C’est donc un choix important, qui implique la personne concernée (acceptation la contrainte) et le praticien qui l’accompagne (compétence pour encadrer cet objectif).
Si cette diète est adoptée, se pose alors la question de sa durée. La contrainte n’est évidemment pas du même ordre si la restriction est engagée pour une durée limitée ou illimitée. Cela doit être fixé clairement au départ : durée prévue et si elle est limitée, condition et protocole d’arrêt. Une absence de projection dans l’avenir peut conduire à beaucoup d’efforts pour arriver au final à un abandon prématuré et la perte de tous les bénéfices. Elle peut aussi installer une situation d’incertitude qui ne s’autorise pas l’arrêt, alors que la contrainte est devenue difficilement supportable.
Les auteurs qui préconisent la diète FODMAP ne précisent pas la durée. Il est probable que l’amélioration obtenue par l’éviction soit perdue lors de la réintroduction. À moins que, pendant la phase de repos de la fermentation, l’écosystème intestinal se régénère et devienne moins fragile, ou qu’un traitement de fond modifie le terrain de manière durable. Il n’y a pas à ce jour de données objectives à ce sujet.
De manière plus pragmatique, il est possible pour les personnes sujettes aux fermentations intestinales de réduire les aliments riches en FODMAPs, sans entrer dans la stricte éviction et sans compromettre la réponse aux besoins nutritionnels. C’est alors une expérience directe qui permet de trouver le meilleur compromis entre plaisir, maintien de la diversité alimentaire et santé intestinale. Il est alors important d’intégrer aussi que les FODMAPs ne sont pas la seule cause des troubles fonctionnels intestinaux. D’autres facteurs peuvent apporter un bénéfice : davantage d’activité physique, moins de stress, de meilleures conditions de repas, une meilleure mastication, l’évitement de certains aliments contenant des fibres irritantes. L’action en synergie sur plusieurs cibles évite de se focaliser sur les FODMAPs et de préconiser comme seule solution une éviction stricte pénalisante pour la qualité de vie

Références

1. Rôle de la pullulation intestinale dans les maladies chroniques 
2. Interview B. Donatini
3. Dr Pierre Nys – Plus jamais mal au ventre avec le régime Fodmaps, Leducs Editions, 2015.

Pour aller plus loin :
Un article rigoureux et complet dans le Swiss médical Forum
La diète FODMAP sur passeportsante.net 

– Limiter les fermentations : Nutrition Sante Essentielle p. 267

Jacques B. Boislève
Jacques B. Boislève

Consultant Formateur - Nutrition psychologie et santé intégratives

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