SOMMAIRE

C’est comme un vent incontournable qui tend à uniformiser tous les secteurs de l’activité humaine : créer des bases de données numériques et des algorithmes qui sélectionnent le meilleur pour tous, ou mieux encore, le meilleur pour chacun en ayant intégré ses informations personnelles.
L’alimentation n’y échappe pas.
Les labels nutritionnels sur les emballages, et les applications mobiles qui scannent l’étiquette et évaluent le produit, sont en pleine expansion. Le résultat et une multitude d’informations disponibles, avec parfois plusieurs discours selon les sources en concurrence. Au final, selon l’usage qui en sera fait, cela peut amener un éclairage, de la confusion, ou plus simplement une vassalisation de nos choix aux normes dominantes.

Les labels nutritionnels

La labélisation par la notation des produits alimentaires sur un logo est apparue dans les pays anglo-saxons depuis plus de dix ans, avec un succès mitigé. Pour entrer dans cette démarche, la France a créé son propre système : le Nutri-score. Ce nouveau label semble plus performant que ses prédécesseurs. Cependant, sa généralisation peine à s’imposer, certains grands groupes agroalimentaires refusant de l’appliquer.

Le nutri-score
Le Nutri-score répartit les aliments en cinq classes (A, B, C, D ou E), et à chaque classe correspond une couleur évoluant du vert au rouge. Il a été mis en place par le gouvernement français en 2016, dans le cadre d’une loi de modernisation du système santé.
Plusieurs systèmes ont été préalablement testés [1]. Le Nutri-score, qui a été retenu, établit un score en s’appuyant sur les travaux de l’équipe du Professeur Serge Hercberg (Université Paris 13), ainsi que diverses expertises de l’Anses et du Haut Conseil de Santé Publique.
Le score est calculé en prenant en compte la teneur en nutriments ou aliments considérés comme favorables (les fibres, les protéines, les fruits et légumes) et ceux qui sont reconnus comme défavorables (la densité calorique, les acides gras saturés, les sucres, le sel).
Le système de calcul est transparent [2]. Des points N sont attribués aux facteurs considérés comme négatifs et des points P aux facteurs reconnus comme positifs. Un petit algorithme calcule alors un score final. La fourchette dans laquelle se situe ce score attribue une lettre et une couleur. Plus le score est élevé, plus le produit est défavorable. C’est un résultat simplifié qui contrairement aux autres labels, ne donne pas le détail du score par critères.

Nutriscore

La réglementation européenne ne permettant pas de l’imposer, c’est sur la base du volontariat que certains industriels ont choisi de mettre le logo, avec le score du produit, sur leurs emballages. Plusieurs dizaines d’entreprises agroalimentaires ont fait ce choix [3]. D’autres ont refusé, pour élaborer un autre système qu’ils considèrent comme plus juste, mais qui surtout leur est moins défavorable. C’est le cas notamment de Coca-cola, Mars, Mondelēz, Nestlé, PepsiCo et Unilever.

Cette démarche a été jugée sévèrement par l’association UFC Que Choisir [4], en exprimant que ces sociétés « s’efforcent de développer un modèle en parallèle particulièrement complexe ou basé sur des tailles de portions irréalistes, initiative visant clairement à jeter le trouble dans l’esprit des consommateurs et contrecarrer l’appropriation du Nutri-score par le plus grand nombre. » 

Ce nouveau label : l’Evolved Nutrition Label (ENL) s’est inspiré d’un modèle anglo-saxon (les feux tricolores multiples), avec une variable jouant sur la taille des portions, ce qui a permis de faire sortir certains produits de grande consommation de la zone rouge [5].

❏ Des labels différents selon les pays
Plusieurs labels sont apparus depuis le début des années 2000 :
– Les feux tricolores multiples (MTL, pour Multiple Traffic Lights) datent de 2004. Le label qui les utilise a été adopté au Royaume-Uni, évoluant vers diverses variantes graphiques, et diverses dénominations : traffic light labeling system, traffic light rating system. Son principe attribue un score couleur (vert, orange ou rouge, comme les feux de circulations) sur 4 critères rapportés à une portion : la quantité de lipides, d’acides gras saturés, de sucres et de sels [6].

Label British

– Le Health Star Rating System appliqué en Australie et Nouvelle-Zélande depuis 2014 utilise un classement par étoiles. Il prend en compte les fibres comme élément positif et abandonne les lipides totaux comme élément négatif [7].

Health-Star-Rating

– Les symboles « Warning » ont été introduits au Chili en 2016 [8]. Ils préviennent lorsque certains seuils considérés comme défavorables sont franchis.

Warning

Une étude a été réalisée au cours de l’année 2018, incluant 12 000 participants internautes issus de 12 pays. L’objectif était de comparer le Nutri-score avec les trois labels précédemment cités, pour tester l’efficacité à orienter le consommateur vers des choix favorables. Le Nutri-score s’est montré le plus pertinent, notamment grâce à son système de graphisme et couleur très intuitif.

❏ Intérêt des labels
Des labels aussi simplifiés sont-ils une bonne chose pour l’évolution de la qualité nutritionnelle des apports alimentaires ? La question, complexe, sera évoquée plus loin.

Les applications mobiles

En 2015, 5 applications mobiles destinées à évaluer les produits alimentaires étaient disponibles en France : Shopwise, Mesgoûts, Ecocompare, Open food facts et Noteo. La possibilité de scanner les codes-barres à partir d’un smartphone connecté donne un accès direct à l’information concernant le produit, avec une évaluation.
Certaines de ces applications ont survécu, d’autre pas, alors que d’autres sont apparues.
Pour comprendre les enjeux de ce marché, nous allons évoquer trois programmes qui ont des philosophies et des parcours très différents.

❏ Noteo : l’idéalisme pris au piège de la réalité économique
Crée en 2012 par Baptiste Marty dans la région nantaise, après 6 années de développement, l’application utilise un algorithme intégrant un nombre important de critères dans 4 domaines pouvant orienter le choix : la santé (analyse nutritionnelle, toxicologique, présence de contaminants, transparence sur la composition, existence de labels), l’environnement (indicateurs de l’analyse du cycle de vie, impact sur les milieux naturels, labels, engagements de l’entreprise en matière de responsabilité environnementale), le social (au niveau de l’entreprise et du produit), et le budget.
Elle a été mise à disposition pendant quelques années, alors que la Société Noteo cherchait les financements pour se pérenniser. Il a manqué 3 millions d’euros sur les 8 nécessaires. Les mises à jour ont alors cessé, la société a déposé son bilan, et l’application a disparu.
L’application Noteo jouissait d’un courant de sympathie auprès du public, alors qu’elle était contestable sur la qualité des informations fournies. En fait, collecter pour chaque produit et chaque entreprise toutes les infos d’une manière journalistique, puis faire des mises à jour au fur et à mesure des changements, est un travail titanesque, qui ne peut être assuré que par une très grosse structure (publique ou privée), ou un système collaboratif.
L’objectif à terme de Noteo, « vendre » un logo de qualité pouvant être posé sur l’emballage, était-il viable ? Batiste Marty a révélé que c’est avant tout la frilosité des investisseurs qui a fait échouer son projet, avec une réflexion souvent entendue : « À titre personnel, je trouve ce projet formidable. Mais en tant qu’institution, on ne peut pas vous aider, c’est trop risqué » [9].
Ce beau projet était sans doute trop ambitieux face à la réalité économique du monde actuel, et au pouvoir devenu incontournable des grandes industries devenues indispensables au maintien du système.

❏ Open Food Facts, projet collaboratif durable
Cet autre projet est également né en France en 2012. Son initiateur est Stéphane Gigandet, informaticien créateur du portail de blogs culinaires Recettes de Cuisine, du groupe Manger-Bloguer pour une alimentation saine et durable, et du site Informations Nutritionnelles.
Open Food Facts [10] est une initiative citoyenne, avec un statut associatif à but non lucratif. La dynamique est collaborative, portée par des milliers de volontaires à travers le monde qui alimentent une base de données indépendante.
Près de 600 000 produits en provenance du monde entier sont aujourd’hui accessibles, par leur nom ou par leur code-barres. Sur les produits français, on trouve le Nutri-score (même lorsqu’il n’est pas fourni par le fabricant), le code NOVA (qui indique le niveau de transformation) et une fiche descriptive de l’aliment très complète, avec diverses photos, notamment les informations nutritionnelles figurant sur l’emballage.
Le système collaboratif a ses avantages et ses inconvénients.
– L’intérêt est qu’il appartient à ses utilisateurs qu’il est réellement indépendant et gratuit. Il fonctionne sur le bénévolat des contributeurs et le financement par dons des utilisateurs.
– Le risque théorique est que tout le monde peut y introduire des données, y compris erronées. Et il n’y a pas de vérification avant validation, ce qui est tout simplement impossible. On peut alors imaginer des industriels rémunérant des personnes pour aller améliorer leurs produits et dénigrer ceux de leurs concurrents. Mais cela serait rapidement détecté par les utilisateurs. En prévention des fraudes, il y a désormais mise en ligne prioritaire des informations fournies par les fabricants qui coopèrent (et ne peuvent alors prendre le risque de mentir), des détecteurs qui invalident les données incohérentes, la mise en ligne de photos d’emballage avec les données nutritionnelles, et une traçabilité de toutes les modifications effectuées sur les fiches. Tout cela protège des intentions de malveillance massive. Les tricheries ponctuelles sont cependant possibles, comme le montre un essai réalisé par des journalistes de l’émission « Tout Compte Fait » sur l’application Yuca, qui fonctionne sur le même principe [11].

❏ Yuca, la start-up qui réussit.
Yuca est une entreprise (SAS) crée en 2016 par trois diplômés de grandes écoles : François et Benoît Martin, Julie Chapon. L’application pour smartphone utilise la base de données Open Food Facts, qui est en accès libre, et à laquelle elle contribue par ses utilisateurs.

L’application
La spécificité est de proposer un score unique, synthétique, qui utilise les données du Nutri-score pour 60 %, sans indiquer le score de ce label. Le nombre et la nature des additifs alimentaires sont pris en compte pour 30 % de la note, en référence à plusieurs sources. La certification biologique, si elle existe, apporte les 10 % restant. Au final il y a une note sur 100, avec une appréciation automatique : excellent de 75 à 100 (vert foncé), bon de 50 à 74 (vert clair), médiocre de 25 à 49 (orange) et mauvais en dessous de 25 (rouge). Le score détaillé peut être consulté pour chaque critère. Parfois, un produit alternatif est suggéré. L’application fait aussi une synthèse des produits mémorisés en historique.
En août 2018, la barre des 5 millions de téléchargements était dépassée, cinq fois plus que pour Open Food Facts !

Yuca versus Open Food Facts
Pourquoi un tel succès ? Le système bien conçu, très facile à manier et simplifié dans ses conclusions a sûrement été déterminant. Un bon sens du marketing a fait le reste : un nom facile à retenir, des réseaux sociaux actifs, un relais par les grands médias.
Yuca offre quelques services nouveaux : la mémorisation de l’historique, une synthèse simplificatrice (bon/mauvais) qui dispense de réfléchir, des conseils.
Comparée à Open Food Facts, elle fournit cependant beaucoup moins d’informations permettant de se faire une idée complète. Sont notamment absents :
– La liste d’ingrédients
– Le Nutri-score
– La classification Nova (sur le niveau de transformation des produits)
– Les tables nutritionnelles complètes pour 100 g et pour une portion.
D’autre part, on ne peut accéder aux fiches par le nom du produit, uniquement en scannant le code barre, ce qui oblige à avoir devant soi le produit avec son emballage.
Quant au système de notation, il résulte de choix subjectifs, qui conduit à une prise de pouvoir plus ou moins arbitraire sur les choix des utilisateurs. Nous y reviendrons.

Le projet Yuca est-il vraiment éthique et indépendant ?
Les différentes enquêtes menées par des journalistes, et notamment un Check-News de Libération [12], montrent que le projet est fondé sur l’intention de faire évoluer la qualité nutritionnelle. L’indépendance vis-à-vis de l’industrie agroalimentaire est garantie par le refus de tout lien financier, du fait notamment de l’absence de publicité et de l’impossibilité de monnayer des scores plus favorables. Les entrepreneurs qui ont travaillé bénévolement jusque-là ont reçu des aides financières par les dons et par la commercialisation en ligne (59 €) d’un programme d’accompagnement nutritionnel sur 10 semaines, encadré par un nutritionniste reconnu (Anthony Berthou).
Pour que l’entreprise devienne rentable et qu’ils puissent se rémunérer, les trois fondateurs envisagent désormais d’ajouter des fonctionnalités payantes sur l’application.
Une autre question se pose : si le projet est uniquement d’améliorer l’information sur l’alimentation : pourquoi avoir créé un autre système, et non pas soutenir et renforcer le projet collaboratif qui fonctionnait déjà, et méritait juste d’être mieux connu ?

Applications et labels améliorent-ils l’optimisation nutritionnelle ?

La question est trop complexe pour trouver une réponse simple et unique. Il y a des bénéfices réels, des limites évidentes, et des risques potentiels. Pour y voir plus clair, il convient de séparer les différents aspects pour les évaluer sans l’interférence des autres. Au final, chacun pourra se faire une idée de la valeur de l’ensemble.

❏ Les bénéfices immédiats
En pointant les produits industriels les plus néfastes, notamment par la présence abondante de sucres ajoutés, la consommation va évoluer, et les industriels vont faire en sorte d’améliorer leurs produits. Cette première prise de conscience est un pas vers une alimentation plus favorable à la santé durable.

❏  Les limites
Qu’ils soient portés par un label ou définis par une application mobile, les scores obtenus ont trois limites : ils ne sont établis que sur une liste limitée de critères, ils analysent un produit et non un repas complet, ils ne prennent en compte que les produits industriels.

La liste de critères
Pour un nutritionniste averti, établir la valeur nutritionnelle sur la quantité de fruits et légumes, les calories, les graisses saturées, les sucres ajoutés, le sel, les fibres, les protéines, avec éventuellement les additifs et la certification bio, est une démarche bien limitée ! Ces critères ont certes leur utilité, mais d’autres sont tout aussi importants, sinon plus : le ratio oméga6/oméga3, les ratios minéraux (potassium/sodium, calcium/magnésium, acide/base), les apports en vitamines et oligoéléments, l’index ou la charge glycémique. Cela peut conduire à des avis aberrants.
– Exemple : des filets de harengs doux label rouge (certification de haute qualité) contenant seulement du sel, et aucun additif, sont notés 35/100 par Yuca (médiocre), et D par le Nutri-score. Ce produit serait donc évité selon ces avis, uniquement parce qu’il contient trop de sel. Or, les oméga 3 à longue chaîne qu’il contient sont des facteurs majeurs de santé, contenus dans très peu d’aliments. L’excès de sel d’une portion devient alors secondaire.
– Autre exemple : des pâtes blanches biologiques (réalisées à partir de blé dur raffiné) qui sont pauvres en fibres et ont un index glycémique élevé sont classées en A par le Nutri-score.
En fait, des algorithmes qui calculent un score sur des dizaines, voire des centaines de milliers de produits ne peuvent intégrer que des données constamment disponibles et facilement numérisables. C’est pourquoi seules les informations obligatoires sur les emballages sont prises en compte, excluant ainsi les facteurs majeurs de nutrition santé que sont acides gras oméga 3, l’index glycémique, le potassium, les vitamines et oligoéléments, les antioxydants et bien d’autres. Le facteur limitant est donc la réglementation fixant les obligations d’informations nutritionnelles sur les étiquettes. Avec des informations limitées, le calcul ne peut accoucher que d’un score à la signification réduite !

Un produit n’est pas un repas
Les notations diverses évaluent les produits comme s’ils constituaient à eux seuls un repas entier. Cela est valable pour les plats cuisinés complets, pas pour les ingrédients peu transformés, qui servent à cuisiner à partir d’aliments naturels. Par nature déséquilibrés, ces produits parfois de très grande qualité peuvent se retrouver exclus par des scores défavorables.
Exemple : l’huile vierge de noix de coco est très intéressante en nutrition-santé pour sa stabilité lors des cuissons et pour la présence abondante d’un acide gras saturé à chaîne moyenne ayant des effets bénéfiques (l’acide laurique). Un produit biologique ne contenant que cet ingrédient est noté 44/100 par Yuca, et E par le Nutri-score, parce qu’il est riche en calories et en acides gras saturés !

La valorisation des produits industriels
Les labels et les analyses par les applications ne sont possibles que pour les produits industriels bénéficiant d’une analyse nutritionnelle et d’un code barre. Orienter ses choix avec ces seuls outils conduit donc à privilégier les produits industrialisés, souvent transformés, alors que la première orientation d’une nutrition santé est de les éviter, en préférant les aliments natifs ou peu transformés.
Avec le succès des applications, les formulations risquent d’évoluer de manière à bénéficier de meilleurs scores. Les industriels savent faire cela, avec tous les moyens technologiques dont ils disposent. Et il n’est pas sûr, au final, que l’amélioration du score soit associée à une réelle amélioration du bénéfice santé !

❏ Les risques potentiels
Celui qui détient l’information détient le pouvoir. Celui qui donne des poissons rend dépendant, alors que celui qui apprend à pêcher rend autonome.
Ces affirmations bien connues nous éclairent sur les risques que présente la référence aux labels ou aux notations pour les choix alimentaires.

Une valeur subjective qui devient une vérité
En biologie, comme en nutrition, il n’y a pas vérité linéaire applicable à tous, il y a la complexité d’un organisme unique qui compose avec un environnement changeant.
C’est l’adaptation du corps et la diversité des apports alimentaires respectant les besoins essentiels de l’espèce qui crée l’optimum santé. Toute rigidification des choix lié à un processus mental qui normalise les choses peut conduire à des orientations inadaptées pour certaines personnes.
Nous avons évoqué précédemment que les critères retenus pour noter les aliments sont limités et insuffisants. Si les achats qu’ils induisent sont considérés comme la vérité santé, cela peut conduire à des erreurs alimentaires qui, en se cumulant, pourraient devenir néfastes.
Il n’y a pas d’intention de nuire derrière cela, juste la croyance que la santé (et le bonheur) puisse s’obtenir par une normalisation mécanisée.

La lutte pour le pouvoir
Lorsqu’un État décide ce qui est bon ou non pour ses habitants, cela s’appelle une dictature.
Quand une société privée qui a fixé ses propres standards acquiert un statut dominant, comme cela se passe actuellement pour Facebook ou Google, et qu’elle a rendu la vie sociale dépendante de ses services, elle peut orienter subtilement des choix de société vers des intérêts qu’elle choisit. Elle le fera ou non selon les valeurs éthiques de ses dirigeants, et cela peut changer rapidement quand les sociétés sont vendues.
Concernant les choix nutritionnels, la guerre pour le pouvoir passe par la possession d’un référentiel dominant, qui résulte du plus grand nombre d’utilisateurs.
Alors, finalement, qui va gagner ? Un intervenant isolé, une association d’industriels, de distributeurs, ou un organe étatique [13] ? Actuellement, en France, le succès de Yuca face aux effets limités du Nutri-score montre que les pouvoirs publics sont rapidement dépassés par l’intelligence pragmatique des entrepreneurs privés. D’autre part, le relatif anonymat d’Open Food Facts montre que les projets collaboratifs ont encore tendance à rester marginaux.

La question de la gratuité
Depuis le développement du numérique qui peut transmettre de l’information quasiment sans frais, l’ère de la gratuité s’est ouverte.
La gratuité des services proposés par les entreprises privées est-elle durable sans le financement de groupes financiers intéressés par les retombées ? Les utilisateurs de plus en plus habitués à cette gratuité seraient-ils prêts à payer pour un service indépendant ? Au moment où les États se désinvestissent des services publics, une stratégie d’information nutritionnelle pilotée et financée par les pouvoirs publics pourrait-elle avoir le même impact qu’une application comme Yuca ? Nous sommes dans l’inconnu, avec cependant des mécanismes qui se sont souvent reproduits et pourraient se répéter encore.
Le modèle de services gratuits qui tend à s’imposer favorise le financement intéressé par les grands groupes industriels, soit par la publicité, soit par la prise de contrôle des sociétés qui réussissent. Au final, ceux qui détiennent le pouvoir financier s’y retrouvent.

Conclusion

En résumé, comment utiliser les informations transmises par les labels et les applications dans une démarche responsable de nutrition santé ?
– D’abord, en se rappelant que les produits agroalimentaires industriels sont plutôt des produits de second choix ou de dépannage, pas la base de l’approvisionnement.
– Ensuite, prendre conscience que ces informations ne sont que des indications, pas des vérités déterminantes. De ce fait, il vaut mieux choisir une application comme Open Food Facts qui donne un maximum d’information, que Yuca qui les synthétise avec un algorithme et forcément un parti pris !
– Enfin, ne pas oublier que la nutrition santé est quelque chose de simple dès lors que l’on connaît les grandes orientations qui permettent de répondre à nos besoins [15]. Le reste est une liberté qui prend d’autant moins de risque qu’elle privilégie la diversité.

RÉFÉRENCES

Image de Jacques B. Boislève
Jacques B. Boislève

Consultant Formateur - Nutrition, psychologie et santé intégratives

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