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SOMMAIRE

L’alimentation acido-basique, et l’équilibre acide-base en général, font l’objet de plusieurs points de vue :
– En médecine conventionnelle, c’est le pH artériel qui est considéré. L’acidose ou l’alcalose générales sont des états pathologiques graves conduisent régulièrement à la réanimation.
On reconnaît également l’acidité de l’estomac, physiologique, qui pose problème quand elle devient agressive pour une muqueuse gastrique fragilisée, ou lors de reflux dans l’œsophage dont la muqueuse est inadaptée au contact avec l’acidité.
Les deux situations sont clairement différentes, sans lien.
– En médecine kousminienne, et dans diverses approches naturopathiques qui ont repris son concept, on parle d’acidose tissulaire chronique (ou acidose métabolique cellulaire), qui dérègle profondément la biologie et serait à l’origine de nombreuses pathologies, voire de toutes selon certaines visions extrêmes. Il y a, en plus d’une situation directement liée au mode de vie, une notion de terrain : la sensibilité à cette acidose est variable selon les personnes.
Entre le monde médical et le monde naturopathique, c’est un dialogue de sourds. On parle de choses différentes et non reliées. Il n’y a pas de lien notable entre l’acidose artérielle, les pathologies liées à l’acidité gastrique, et l’acidose tissulaire chronique. Certaines personnes, cependant, associent leur acidité œsophagienne à une acidification plus générale, ce qui n’a aucun fondement.
– En nutrition santé, le ratio acide base est un critère, parmi d’autres, pour améliorer l’adéquation de l’alimentation aux besoins nutritionnels. Les différences liées au terrain ne sont pas prises en compte, on considère seulement la balance acide-base des apports alimentaires.
– Dans les médecines traditionnelles orientales, chinoise ou ayurvédique, la notion acide-base n’existe pas, et si cet équilibre est respecté dans leur préconisation, c’est indépendamment de la prise en compte de cette notion, ce qui montre son importance relative.

Champs de l'acidose dans les secteurs de santé

Chimie acido-basique

Dans un milieu biologique, les réactions chimiques conduisent à des mouvements d’atomes avec des modifications de structures moléculaires qui définissent le métabolisme. Celui-ci assure la formation des structures organiques, des médiateurs, et la production d’énergie.
Parmi les différents types de réactions du métabolisme, deux sont les socles de la chimie générale : le transfert d’électrons pour les réactions d’oxydo-réduction, le transfert de protons (ou ions H+) pour les réactions acido-basiques.
L’eau est au cœur du métabolisme acido-basique, du fait de sa dissociation en ions H+ (proton) et OH(capteur de proton). Si elle est pure, les deux types d’ions sont équilibrés. Selon les substances dissoutes, qui libèrent ou captent des ions H+, l’équilibre se déplace dans un sens ou dans l’autre.  La concentration d’ions H+ libres, qui détermine le pH, a des répercussions sur la structure de certaines macromolécules et diverses réactions du métabolisme.
Le pH (ou potentiel H+) exprime sous une forme logarithmique la situation chiffrée de cet équilibre.
Un pH à 7 correspond à la neutralité observée sur l’eau pure à 25 °C. Si les ions H+ augmentent (acidification), le pH s’abaisse. S’ils diminuent (alcalinisation), le pH s’élève. Les valeurs s’échelonnent entre 0 (acidité maximale) et 14 (alcalinité maximale). Du fait de la nature logarithmique du pH, les variations sont très sensibles autour de 7, et relativement inertes aux extrémités.

courbe de pH

Physiopathologie générale de l’équilibre acide-base

Les différents composants des liquides biologiques maintiennent, à l’état physiologique, un pH stable, adapté à la localisation et à la fonction du liquide concerné. Seules les urines peuvent subir de grandes variations, car elles sont une voie d’élimination.
Un organisme reçoit de l’acidité ou de l’alcalinité par ce qui le nourrit. Il produit des acides par son métabolisme. Il élimine son acidité par les urines (excrétion d’ions H+ sous diverses formes, principalement de l’acide phosphorique et des ions ammonium), ou pulmonaire en expirant du gaz carbonique, qui élimine l’acidité portée par l’acide carbonique (H2CO3). La sueur est une autre voie d’élimination, généralement secondaire, qui peut être activée par le sport ou le sauna.
En attendant l’élimination, pour éviter les variations de pH menaçantes pour la physiologie, il existe des systèmes tampons, qui peuvent, jusqu’à un certain point, neutraliser un excès ou un manque d’acidité, afin que le pH reste stable.
Il y a donc un système de protection immédiate (les tampons) et deux voies d’élimination principales : rénale et pulmonaire.
Le rein élimine directement les ions H+ provenant de structures acides non métabolisables (on parle d’acides fixes), alors que les poumons éliminent l’acidité de certaines molécules organiques préalablement catabolisées en H2O et CO2 (on parle alors d’acides volatils). Quand une voie est en difficulté, l’autre s’adapte pour essayer de compenser l’ensemble.

Métabolisme des acides dans l'organisme

Quand l’équilibre est rompu, c’est-à-dire que les tampons sont saturés et que la voie de compensation ne suffit pas à restaurer le pH, il y a accumulation d’ions H+ (acidose) ou pénurie (alcalose).
– On parle d’acidose ou alcalose métabolique s’il y a excès d’apport  d’acides ou de bases (alimentaire, toxique, thérapeutique), ou un défaut d’élimination rénale.
– On parle d’acidose ou d’alcalose respiratoire s’il y a insuffisance ou excès d’élimination pulmonaire de gaz carbonique.
Le traitement correcteur de l’acidose consiste à administrer des substances alcalinisantes (voie métabolique) ou à assister la ventilation pulmonaire (voie respiratoire).

Définition et diagnostic de l’acidose tissulaire chronique (acidose métabolique cellulaire)

L’acidose tissulaire chronique, non reconnue par la médecine, se définit comme une accumulation d’acides au niveau des tissus, sans répercussion sur le pH artériel, entraînant divers dysfonctionnements avec des conséquences sur la santé de l’organisme.
Elle est difficile à objectiver, car il est impossible de mesurer le pH directement dans les tissus concernés. Elle se définit par des manifestations cliniques, ou par la détection d’une élimination urinaire accrue et permanente d’acidité.
Ce diagnostic urinaire est particulièrement compliqué.  Il nécessite une mesure au moins deux fois par jour pendant une semaine, et la méthode facile habituellement proposée (détermination par bandelette du pH urinaire) n’est pas fiable. La méthode adéquate serait la détermination de l’excrétion nette d’acides (ENA).  C’est une vieille technique, qui ne peut se faire qu’en laboratoire, et quasiment plus aucun laboratoire ne la pratique (1).
En clair, le diagnostic est avant tout clinique, confirmé par des mesures de pH urinaires qui ne sont pas fiables pour cela. Ce n’est pas pour autant que le problème n’existe pas, mais il est affirmé d’une manière subjective, qui pose question quand certaines personnes sont persuadées d’être acidifiées et deviennent obsédées par cela.

Physiopathologie de l’acidose tissulaire chronique

Il s’agit d’une acidose métabolique, c’est-à-dire liée à un apport excessif d’acides, exogène ou endogène, couplé à une insuffisance d’élimination urinaire, pulmonaire et cutanée.

La principale source d’apport est alimentaire. Secondairement un métabolisme sortant de sa zone physiologique peut produire un excès d’acides organiques, ou être débordé dans sa capacité à les dégrader.

Un apport excédentaire, associé à une insuffisance métabolique qui peine à dégrader les acides organiques, et à une faiblesse des voies d’élimination : rénale, pulmonaire et cutanée, conduit à une accumulation d’acidité qui se répartit dans les tissus et entraînent diverses complications insidieuses.

Le stress est parfois cité comme facteur d’acidification, ce qui est possible mais discutable (2).

La source alimentaire est prise en compte par la nutrition santé et la naturopathie.

La faiblesse métabolique, avec une composante génétique (faiblesse congénitale de terrain) et une composante acquise (affaiblissement du terrain par le mode de vie), n’est prise en compte par l’approche naturopathique.

Les solutions proposées sont l’ajustement des apports alimentaires, l’activation des voies d’élimination et éventuellement l’utilisation de compléments alimentaires alcalinisants.

Acidification liée à l’alimentation

L’alimentation apporte d’un côté des nutriments acidifiants (produisant des acides fixes), des acides organiques métabolisables, des nutriments qui se transforment en acides organiques ; et de l’autre des nutriments alcalinisants (qui réduisent la concentration d’H+ libres) et des composés basiques.
En situation physiologique, l’excès d’acidité est éliminé et l’ensemble s’équilibre.
L’acidification est attribuée à l’alimentation quand il y a excès d’apport d’acides fixes, ou d’accumulation de certains acides organiques provenant des aliments.  Elle peut aussi être liée au manque de métabolisation, ou à la stimulation de l’élimination de facteurs alcalinisants. Elle est, dans tous les cas, favorisée par un manque de nutriments alcalinisants.
Les deux tableaux ci-dessous résument les facteurs alimentaires (2).

FACTEURS ACALINISANTS (protection vis-à-vis de l’acidification)

Potassium (K+) Calcium (Ca2+),
Magnésium (Mg2+)

Ils forment le socle de la protection antiacide des liquides biologiques.

Sodium (Na+)

Par nature alcalinisant, se trouve en quantité à peu près équivalente à celle du chlore, ce qui les neutralise mutuellement. En excès jusqu’à obtenir un ratio Na/K > 1, il favorise l’acidification en perturbant la fonction rénale et notamment en augmentant les fuites de calcium.

Métaux de transition

Le manganèse (et le fer sont parfois cités comme minéraux alcalinisants. Il s’agit d’un rôle nettement secondaire, comparé à celui la triade K/Ca/Mg.

Les anions d’acides faibles (bicarbonates, citrates, malates…)

Apportés sous forme de sels avec un minéral alcalin (sodium, potassium, calcium, magnésium) contribuent également à la protection vis-à-vis de l’acidification, du fait de leur pKa plutôt élevé.

FACTEURS ACIDFIANTS

Du fait de l’absence de données fiables sur le sujet, le pouvoir acidifiant est expliqué et évalué selon les mécanismes connus qui produisent de l’acidité, ou la capacité à réduire le niveau des minéraux alcalins protecteurs.

Catégorie d’aliment

Exemples

Pouvoir acidifiant

Riches en soufre
ou en phosphore

Protéines riches en acides aminés soufrés (produits animaux, céréales)

Aliments riches en phosphore : produits laitiers, viandes, additifs

+++ : Fort, dès que les apports conduisent à la formation d’acide sulfurique ou phosphorique

Riches en purines transformées
en acide urique

Les produits animaux en général
La levure de bière

+ : L’acide urique est un acide faible (pKa = 5,4) dont une certaine teneur est physiologique. Il faudrait une importante augmentation de sa concentration pour un effet acidifiant significatif

Favorisant la fuite
de minéraux alcalinisants

Café
Sodium

+ : Il faut des quantités importantes pour avoir un effet significatif

Glucides,
surtout à index glycémique élevé 

Céréales raffinées
Pomme de terre
Sucres ajoutés

+/++ : Accumulation d’acides organiques (pyruvique, lactique) si la consommation déborde la capacité métabolique
Favorisé par la faiblesse métabolique (génétique), le déficit en vit B1 et l’insuffisance en oxygène (effort intense)

Alcool éthylique

Boissons alcoolisées

+/++ : Accumulation de métabolites intermédiaires acides

Acides
organiques

– Citrique : agrumes, tomate, fruits acides, additif E330
– Oxalique : rhubarbe, oseille, épinards, cacao
– Acétique : vinaigre, additif E260

+/– :  En cas d’excès répété et/ou de faiblesse métabolique avec difficulté à métaboliser ces composés acides

Le ratio entre les aliments apportant du soufre et phosphore, et ceux apportant du potassium, du calcium et du magnésium est le facteur clé de l’acidification, et c’est souvent le seul pris en compte en nutrition santé (indice PRAL).
Les autres, sauf lors d’apports disproportionnés de certains aliments, ont un impact secondaire, dépendant du terrain biologique de la personne.  Leur effet est difficile à évaluer.

Intérêt et limites de l’indice PRAL

L’indice PRAL (potential renal acid load : charge acide des urines, et donc de l’organisme, liée à l’alimentation), est calculé à partir de la composition biochimique des aliments.
Il indique la capacité de cet aliment à produire des acides fixes (valeurs positives) ou à les neutraliser (valeurs négatives). C’est donc le marqueur de l’alimentation acido-basique
C’est un indice imparfait, qui ne prend pas en compte tous les facteurs impliqués dans l’acidification.
L’indice PRAL attribue un coefficient positif aux protéines et au phosphore, et un coefficient négatif au potassium, magnésium et calcium, selon la formule suivante :

PRAL = + [Protéine x 0,49] + [Phosphore x 0,037]
– [Potassium x 0,021] – [Magnésium x 0,026] – [Calcium x 0,013]

On y voit clairement que les produits animaux sont globalement acidifiants et les produits végétaux (en dehors des céréales et légumineuses) alcalinisants.
Une alimentation à la fois riche en produits animaux, céréales raffinées et pauvres en fruits et légumes, comme c’est souvent le cas dans le monde moderne, est globalement acidifiante.
L’intérêt de l’indice PRAL est de prendre en compte les facteurs majeurs favorisant l’acidification, en les ramenant à un seul score. Il est certes incomplet, mais il nous rappelle que les autres facteurs, sauf excès qui se répète, ont un effet limité, et il n’est pas utile de leur donner trop d’importance.  
Le manque de discernement sur l’importance quantitative des facteurs peut conduire à des croyances non fondées, par exemple être acidifié(e) parce que l’on boit du café ou mange des tomates (3).
La limite de l’indice PRAL est de se focaliser sur des aliments individuels, et de construire une alimentation qui, en surestimant le critère acido-basique, peut écarter des produits qui par ailleurs sont précieux pour optimiser d’autres critères.

L’alimentation acido-basique, un concept trop étroit

L’alimentation acidobasique repose sur des recommandations visant à imiter l’apport d’aliments acidifiants et augmenter ceux qui ont un pouvoir alcalinisant, à partir de listes.

L’indice PRAL est un critère de choix qui permet de situer les familles d’aliments, comme indiqué de manière simplifiée sur le tableau suivant.

alcalinisant

faiblement acidifiant

acidifiant

Fruits, légumes

tubercules

Céréales, légumineuses

Lait/yaourts

Viandes, poissons, œufs,
fromages

S’y ajoute d’autres recommandations pour éviter des aliments non détectables par l’indice PRAL, et dont le réel pouvoir acidifiant est difficile à évaluer (sucre, café, alcool, tomates…).
Centraliser l’attention et le choix des aliments sur leur caractéristique acido-basique a deux types d’inconvénients :

– Certains autres critères de nutrition-santé pourraient être pénalisés.

– Un tel régime nécessite un contrôle cognitif, et l’expérience montre celui-ci a souvent des conséquences néfastes sur la santé générale (bio-psycho-sociale).

L’alimentation santé inclut, sans le rechercher, l’équilibre acido-basique

Il existe aujourd’hui une certaine convergence des recommandations nutritionnelles qui s’appuient sur la littérature scientifique sans complaisance avec l’industrie agro-alimentaire.
Nutrition santé essentielle (4) propose une orientation par des critères hiérarchisés.
Les deux premiers sont majeurs et suffisent à améliorer significativement le bénéfice santé par rapport au mode alimentaire dominant dans les sociétés modernes :
1. Dans l’approvisionnement, respecter la règle des 3V proposés par Anthony Fardet (5) : choisir des aliments vrais (non ultra-transformés), les varier autant que possibles, et opter clairement pour une forte dominance végétale.
2. À partir de cet approvisionnement, s’appuyer sur le comportement alimentaire et ses régulations naturelles pour sortir du contrôle cognitif, en développant notamment la conscience de manger, la lenteur et la mastication. Progressivement, faire confiance à ses envies pour optimiser les apports en fonctions de ses propres besoins (et non une norme générale).
Les autres critères affinent la qualité des produits choisis, les modes de préparation et l’organisation des repas pour mieux répondre aux besoins de nos organismes, acquis par une longue évolution dans un environnement naturel, avant que celui-ci ne soit artificialisé par la technologie.
L’équilibre acide-base est un critère parmi les autres, généralement respecté sans en tenir compte par la simple application de la règle des trois V, notamment la forte proportion de végétaux, et en particulier de fruits et légumes. Il est conforté en appliquant la diversité dans les féculents :  ne pas abuser des céréales et consommer régulièrement des tubercules.

Prendre en compte le terrain de fragilité à l’acidose ?

Cette approche spécifique de la naturopathie prend en charge le terrain particulier d’une personne. En soutenant ses faiblesses, il permet une amélioration générale de l’état de santé.
Elle est justifiée pour une personne présentant des signes d’acidose tissulaire chronique malgré une alimentation générale et un mode de vie favorables à la santé, mis en place depuis plus de 6 mois.
Orienter vers une prise en charge de l’acidose tissulaire chronique comme solution première, alors que des changements moins contraignants auraient pu suffire n’est en revanche pas adéquat, si on admet que plus une solution est simple et non contraignante, plus elle est durable et donc bénéfique pour la santé à long terme.

RÉFÉRENCES

  1. J. B. Boislève et P. Cohen : Biologie Médicale intégrative – Holosys Éditions
    Extrait : Mesure de l’acidité urinaire
  2. J. B. Boislève : Biochimie physiologique et nutritionnelle – Holosys Éditions
    Extrait : Chapitre D-VI Métabolisme acide-base
  3. La surestimation de l’acidification devenue une vraie croyance pour certaines personnes, confirmée par de pH urinaires anxiogènes (alors qu’ils sont sans valeur) et des ressentis de symptômes générés par la croyance, peuvent conduire à un enfermement dans une voie sans issue.
  4. J. B. Boislève : Nutrition Santé Essentielle – Holosys Éditions
    Extrait : Critères NSE
  5. Anthony Fardet : règle des 3 V 
Image de Jacques B. Boislève
Jacques B. Boislève

Consultant Formateur - Nutrition, psychologie et santé intégratives

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