SOMMAIRE

Depuis que ses bénéfices ont été révélés par quelques études préliminaires, le jeûne intermittent s’est popularisé, avec la promesse d’une perte de poids facile, simplement en sautant un repas, qui est souvent celui un matin. Une promesse souvent suivie de déception. Il y a certes des effets favorables démontrés, pas toujours perceptibles, mais celui qui est généralement le plus attendu, la perte de poids, n’est pas toujours en rendez-vous.
Quand un coach nutrition, qui fait commerce du jeûne intermittent annonce la perte d’un kilo par semaine, sans préciser combien de temps, c’est facile et ce n’est pas très convaincant. Quand des blogueurs décrivent avec enthousiasme des effets extraordinaires en partant de leur expérience personnelle, on peut se méfier de la subjectivité. Quand une certaine science traîne les pieds à s’y intéresser parce que c’est une solution nutritionnelle trop simple qui n’a pas besoin de son contrôle de spécialiste et ne permet pas d’obtenir des financements, elle est dans leur rôle habituel, qui ne fait pas honneur à l’esprit scientifique.
Alors comment s’y retrouver ?
La synthèse proposée ici s’appuie sur la biologie évolutive, les connaissances générales sur le surpoids, et ce que disent les principales publications connues sur le jeûne intermittent. L’objectif étant de définir à qui et comment préconiser un jeûne intermittent et dans quel format.
Je n’ai aucun a priori sur le sujet, je n’ai pour ma part pas adopté ce mode alimentaire, je cherche simplement en tant qu’accompagnant psycho-nutritionnel.

Les différentes formes de jeûne intermittent

Il y a plusieurs manières jeûner par intermittence, c’est pourquoi plus clair de préciser de quoi on parle.

Dans un jeûne classique, on cesse de s’alimenter pour une période plus ou moins longue, jusqu’à 3 semaines, avec un objectif thérapeutique (avoir un effet bénéfique sur le processus de guérison ou l’amélioration d’une maladie), ou préventif (régénérer son potentiel biologique).
On parle de jeûne intermittent ou fractionné, quand on cesse de s’alimenter sur une période courte répétée de manière régulière et durable, sauf exceptions ponctuelles. C’est alors un bénéfice santé et/ou la perte de poids qui sont recherchés.

Plusieurs types de jeûne intermittent ont été proposés :
– Le régime 5:2 propose de jeûner 2 jours par semaine et de s’alimenter sans restriction les autres jours. Dans le même esprit, il y a aussi le jeûne 1 jour sur 2. Dans les deux cas, il y a des variantes en remplaçant les jours sans nourriture par des journées hypocaloriques, autour 500 Kcal. Il est alors inapproprié de parler de jeûne.
– Le jeûne intermittent avec une période quotidienne restreinte d’alimentation : time-restricted eating (TRE) ou time-restricted feeding (TRF), consiste à concentrer toutes les prises alimentaires de la journée sur une période restreinte, le plus souvent 8 heures, ce qui laisse 16 heures de repos digestif. C’est le TRF 16/8, le plus couramment préconisé, parce qu’il a donné dans les évaluations préliminaires les meilleurs résultats.
Selon la période choisie pour les prises alimentaires, on distingue le early TRF ou eTRF (food intake restricted to the early part of the day) avec des prises alimentaires en début de journée (8 h à 16 h) et le mid-day TRF ou mTRF (food intake restricted to the middle of the day) avec des prises alimentaires en seconde partie de journée (12 h à 20 h).

L'éclairage de la biologie évolutive

Comment la construction de notre physiologie humaine au cours de l’évolution nous éclaire sur le bien-fondé du jeûne intermittent.

La biologie évolutive observe la physiologie des organismes vivant en fonction de leur cheminement évolutif et de l’environnement avec lequel les mécanismes biologiques se sont synchronisés. En nutrition, elle permet de prédire les grandes lois qui définissent un mode alimentaire favorable à la santé, qui sont d’autre part validées par les grandes études effectuées sur les populations.
De manière simplifiée, on peut dire que les organismes sont adaptés à un ensemble alimentaire conforme à celui avec lequel ils se sont développés. Les êtres humains, quelles que soit leur région, leur époque et la disponibilité alimentaire, ont toujours eu, du fait de leur alimentation naturelle et diversifiée, un certain ratio entre oméga 3 et oméga 6, entre sodium et potassium, entre calcium et magnésium… On constate aujourd’hui qu’un éloignement trop important de ces ratios avec lesquels se sont développés et stabilisés la biologie et le métabolisme humain, comme c’est le cas avec l’alimentation moderne artificialisée, compromet la santé à long terme e favorisant le développement de pathologies chroniques.

La biologie évolutive nous éclaire sur trois points en lien avec le jeune intermittent :
1. Si on observe la répartition des prises alimentaires, il apparaît que la séparation en trois repas est apparue récemment comme une adaptation à un nouveau mode de vie, et n’est pas dans l’alignement de la manière de se nourrir depuis l’aube de l’humanité. Un point commun probable entre la plupart des modes alimentaires du passé est l’existence de périodes de restriction de nourriture et de repos digestif, qui ont été intégrées dans le fonctionnement biologique. Le métabolisme s’organise différemment lors des périodes de jeûne et le tube digestif peut entreprendre son cycle de nettoyage et de régénération, qui demande beaucoup de temps sans être interrompu par une prise alimentaire
2. La chrononutrition s’est inspirée du mode alimentaire qui s’installe naturellement quand la nourriture est disponible depuis les origines de l’humanité. On observe alors que les repas principaux, avec des protéines et des lipides, se situent plutôt en début de journée. On a pu observer que les repas du soir chargés et/ou tardifs ont globalement des conséquences défavorables s’ils sont une habitude
3. La frugalité a souvent été une réalité imposée dans les communautés humaines. La nourriture étant précieuse et en quantité limitée, parfois même insuffisante, la quantité consommée était globalement inférieure à ce que nous consommons spontanément aujourd’hui, quand nous sommes dans un environnement avec des aliments disponibles à volonté. Les organismes héritiers de cette histoire sont bien équipés métaboliquement pour supporter les famines, peu adaptés à gérer l’abondance, qui surcharge certaines fonctions, accroît le niveau de base de stress oxydatif et favorise le stockage de réserves lipidiques. La frugalité considérée comme un apport calorique inférieur aux besoins considérés comme normaux est avantageuse pour la santé et la longévité. Le problème est, d’une part, qu’il n’y a pas de normalité en apport calorique, les besoins dépendent de chacun et de son mode de vie, et d’autre part qu’un faible apport calorique n’est durablement avantageux que s’il est naturellement régulé par la faim et la satiété, ce qui est plus facilement le cas lorsque la prise de nourriture est répartie sur un temps limité.

Les études qui évaluent l’expression des gènes selon le contexte (épigénétique) révèlent comment certains facteurs environnementaux ont été intégrés dans le modèle biologique, pour optimiser le fonctionnement des organismes. On comprend mieux ainsi les bénéfices d’une alimentation adaptée et d’une activité physiques suffisante, au-delà de leurs effets directs.

Les données actuelles sur les conséquences épigénétiques d’une alimentation à durée limitée reposent sur des recherches effectuées sur la souris. Elles montrent une expression ou une rythmicité différente sous TRF avec des conséquences sur la régulation hormonale et la synchronisation des organes (1). Ainsi, la biologie des souris, et dans la continuité probablement celles des humains est plus adaptée à une alimentation séquentielle avec un temps de repos marqué, qu’à une alimentation continue.
En prenant en compte toutes les observations de la biologie évolutive, une quantité non excessive de nourriture, répartie sur un temps limité dans la journée laissant un long repos digestif semble donc adaptée à la biologie humaine, et cette période a plutôt avantage à commencer le matin.
Un jeûne intermittent de type eTRF 16/8 qui réduit spontanément l’apport calorique quotidien semble tout à fait aligné avec la biologie évolutive.

Balance calorique et statut pondéral : ce n’est pas si simple

La perte de poids n’est pas seulement une histoire de calories, et cela nous aide à mieux comprendre les effets du jeune intermittent sur le surpoids.

Il y a deux écoles en ce qui concerne l’explication du surpoids.
La première, classique et très répandue dans le monde médical, considère la balance calorique entre apports alimentaires et dépenses par l’activité. Elle affirme que seul un excès d’apports comparé aux dépenses conduit au stockage de calories sous forme de graisses.

La seconde, développée par des auteurs comme Gary Taubes et Robert Lustig (2), considère la balance calorique comme négligeable face au programme métabolique, qui oriente l’énergie calorique préférentiellement vers le stockage ou la thermogenèse. Ce programme répond à une causalité polyfactorielle qui inclut de nombreux facteurs (génétique, développement, microbiote intestinal, inflammation, expositions toxiques, part de glucides dans l’alimentation, et probablement le psychisme).

Opposer des deux approches est révélateur de la pensée linéaire qui aime bien avoir raison sur des causalités simples, alors que la réalité de la vie est une complexité que le raisonnement linéaire ne peut pas maîtriser. Une vision globale et ouverte qui ne cherche pas à avoir raison peut intégrer tous les points de vue, dès lors qu’ils s’appliquent au domaine restreint où ils sont pertinents et ne prétendent pas tout expliquer.

On pourrait dire globalement que l’excès de calories non consommées se stocke, et cet excès dépend de trois facteurs : l’apport alimentaire, l’activité physique et métabolique, le niveau de la thermogenèse (3). Ce troisième facteur est souvent oublié. Un surplus de calories alimentaires peut générer un excès d’ATP et d’anabolismes qui favorisent le stockage, ou une augmentation de la thermogenèse qui conduira à une dissipation de l’énergie sans stockage. En fonction de ce programme métabolique, on peut stocker en mode hypocalorique et ne pas stocker en mode hypercalorique. Dans tous les cas, le risque de stockage est accru par l’excès calorique, avec un coefficient qui dépend du programme calorique, et qui est parfois proche de 0, ce qui empêche alors toute prise de poids, même avec un régime hypercalorique.

L’objectif hypocalorique, une obsession dangereuse

On sait aujourd’hui que la réduction volontaire du nombre de calories conduit tôt ou tard à des compensations qui inversent les bénéfices et détériorent les mécanismes naturels du comportement alimentaire.

Deux intérêts reconnus de la frugalité conduisent à réduire l’apport calorique : des effets bénéfiques sur la santé (4) et un effet préventif sur la prise de poids.

La restriction calorique est ainsi recommandée par certaines approches naturopathiques (ne pas aller jusqu’à l’extinction complète de la faim) et diététiques de l’amaigrissement (calcul du nombre de calories quotidiennes).

Dans les eux cas, c’est une démarche volontaire qui instaure un contrôle mental sur les mécanismes de régulation spontanée. Cela fonctionne plus ou moins bien pour une personnalité contrôlante avec des valeurs en phase avec le contrôle à effectuer, et cela peut être catastrophique pour d’autres qui doivent gérer un conflit entre la volonté et la résistance naturelle à aller contre les désirs et les sensations. La frugalité obtenue par restriction cognitive, c’est-à-dire contrôle par la volonté, peut conduire à une perturbation profonde du comportement alimentaire.

Notre psychologie et notre biologie, pour les fonctions de survie, ne sont pas équipées pour fonctionner consciemment sous la pression d’une contrainte imposée de l’intérieur, mais pour s’adapter de manière automatique et inconsciente au cadre des conditions environnementales. Le maintien par la volonté d’un apport calorique inférieur à ce que demande le corps est une stratégie non durable et potentiellement dangereuse.

Doit-on pour autant renoncer à l’objectif de frugalité ?

Quand on parle de régime hypocalorique, quelle est la référence ? Les besoins, même calculés avec des variables propres à la personne restent un calcul statistique qui ne garantit pas qu’il s’agisse de l’optimum pour la personne, qui est en principe régulé par les sensations de faim et de satiété quand elles peuvent s‘exprimer sans contrôle mental et sans perturbation émotionnelle.

Pour allier les bénéfices de la frugalité sans se mettre sous la contrainte d’une restriction volontaire, la solution est de poser un cadre environnemental face auquel le comportement alimentaire va spontanément réduire les apports. Plusieurs facteurs favorisent cela : choisir des aliments vrais, c’est-à-dire pas ou peu transformés, se nourrir lentement et en conscience, et répartir les prises alimentaires sur une durée limitée, dans la mesure où cela ne va pas à l’encontre de sensations de faim qui ne seraient pas assouvies, et d’une vie familiale ou sociale qui serait sacrifiée.

Le jeune intermittent intervient donc à ce niveau comme un facteur favorable.

Des études contradictoires sur le jeûne intermittent et la perte de poids

Un regard large et non partisan sur les études publiées nous donne les meilleures garanties de s’approcher du vrai.

Comme souvent face à une proposition nutritionnelle, on trouve des études contradictoires. Pour ceux qui défendent un point de vue, pour ou contre, il est facile de sélectionner les études favorables à ce point de vue et ignorer les autres.
Il y a au moins trois raisons pour lesquelles ces études sont contradictoires : elles ont des méthodologies très différentes, elles ne tiennent pas compte des différents facteurs nutritionnels en dehors de l’apport calorique, ni du mode de vie, et il existe une importante variabilité métabolique entre les organismes que les statistiques ne suffisent pas normaliser sur un nombre limité de participants. Il est à ce point de vue étonnant d’observer comment, au-delà du résultat moyen retenu par la conclusion d’une étude, les individus pris isolément se répartissent autour de cette moyenne, et parfois loin du centre. Pour ceux qui sont loin de cette moyenne, la conclusion de l’étude est inappropriée et ils sont forcément déçus quand ils appliquent le programme proposé.
En prenant un peu de recul, les différentes recherches publiées nous donnent cependant des tendances fortes, qui sans être des vérités pour tout le monde, indiquent une direction favorable (5) :

Le jeûne intermittent a des effets bénéfiques sur :
– L’amélioration de la fonction cérébrale, notamment les capacités cognitives.
– La réduction de la résistance à l’insuline, avec un effet préventif sur le diabète de type II.
– La réduction de l’inflammation et du stress oxydatif, ainsi que l’amélioration de la régénération cellulaire qui contribuent ensemble à prévenir les maladies dégénératives (vasculaires et neurologiques).
– La réduction de la tension artérielle, qui contribue aussi à réduire le risque vasculaire
– La diversité du microbiote
La prévention des cancers est logique du fait des paramètres améliorés, mais elle n’est pas démontrée.

Les effets sur la perte de poids sont inconstants.
Concernant plus précisément le statut pondéral, certaines études concluent à l’absence d’effet significatif, mais la plupart observent une perte de poids, en moyenne de 0,5 à 1 kg par semaine sur une durée courte. Si on regarde de plus près, on voit que l’amaigrissement est net chez certaines personnes, absent chez d’autres, qui peuvent même prendre du poids !
Une expérimentation sur 116 participants avec des prises alimentaires ente 12 h et 20 h (mTRF), versus un groupe témoin avec une alimentation classique à trois repas, a mis le doute en révélant peu de différence entre les deux groupes, et, plus étonnant, une perte accrue de masse musculaire dans le groupe mTRF (6) !
Le nombre de participants souvent faible, et les protocoles différents d’une étude à l’autre apportent une certaine confusion. Il reste à établir, en dehors des raisons qui créent la différence de sensibilité individuelle, les facteurs liés au cadre du jeûne qui sont discriminants.
Une étude chinoise parue en 2022 (7), avec trois groupes de 30 personnes sans obésité, a comparé trois modes de répartition alimentaires : sur toute la journée, sur 8 heures en milieu de journée (eTRF) et sur 8 heures en début de journée (mTRF), sur 5 semaines. Il a été observé une réduction de l’apport calorique dans les deux groupes TRF, ainsi que des effets bénéfiques sur plusieurs critères, dont la masse corporelle. La répartition des repas en début de journée (eTRF) est associée à davantage de bénéfices, notamment pour la perte de masse grasse.

En résumé, on pourrait dire que la restriction de la période alimentaire à un créneau de 8 heures en cours de journée a généralement de multiples effets bénéfiques sur la santé, variable selon les sujets, notamment en ce qui concerne la perte de poids. La prise alimentaire restreinte à partir du matin, qui conduit à jeûner en fin de journée se révèle plus favorable, ce qui confirme les bénéfices déjà observés avec la chrononutrition.

Comment le jeûne intermittent favorise-t-il la perte de poids ?

Cette compréhension est utile pour adapter un mode alimentaire favorable à l’amaigrissement.

L’observation d’une consommation calorique moins importante pour la majorité des participants aux études sur le jeûne intermittent de type TRF est une explication qui consolide la théorie de la balance calorique.
Quand les études comparent un groupe TRF à un groupe témoin sans restriction de période alimentaire, à calories égales dans les deux groupes, la perte de poids est en moyenne plus importante dans le groupe TRF. Cela renforce la théorie du programme alimentaire selon laquelle ce n’est pas le nombre de calories excédentaires qui importe mais la manière dont elles sont utilisées. L’alimentation sur une période restreinte au cours de la journée entraîne une modification métabolique avec une orientation moins favorable au stockage lipidique.
Dans le jeûne comme dans la situation habituelle, il est bien difficile de séparer la part de ces deux mécanismes, et cela a bien peu d’importance, c’est l’ensemble qui compte. L’intérêt de la baisse de l’apport calorique, si elle a lieu, est qu’elle se fait spontanément, par adaptation à cadre différent, et non par une restriction cognitive dont on connaît les dégâts dans le temps.

Peut-on préconiser le jeune intermittent en nutrithérapie ?

Si l’on souhaite intégrer le jeûne intermittent comme solution durable, il est avantageux de pas viser un idéal théorique, mais de faire émerger par la coopération relationnelle la meilleure solution pour la personne.

Les bénéfices du jeûne intermittent sont aujourd’hui statistiquement évidents d’un point de vue biologique. Le proposer en conseil ou accompagnement nutritionnel amène à se poser trois questions :
– Pour qui ? Peut-on le préconiser à tout le monde ou est-il préférable de cibler les bénéficiaires ?
– Quel format de jeûne choisir ?
– Est-ce un changement suffisant ?

1. Pour qui ?
Le fait de proposer à tous une solution validée par un bénéfice statistique sur la population est une démarche non personnalisée qui raisonne de manière mécanique, sans prendre en compte la spécificité des individus. Cela explique en partie la déception lorsque les bénéfices annoncés ne sont pas observés.
Il est légitime de considérer le jeûne intermittent comme une solution générale bénéfique pour tous dans la mesure où cette préconisation est alignée sur la biologie évolutive et que les différentes études ont montré l’absence d’effets néfastes significatifs.
Dans une démarche à la fois globale, durable et personnalisée (8), les conséquences d’un changement sur les autres facteurs influant sur la santé générale ne peuvent pas être négligées. Si l’on se réfère aux 5 critères mis en avant par l’épigénétique (9) : alimentation, activité physique, prendre plaisir à ce que l’on fait, savoir se détendre, et entretenir une vie sociale, on voit que les trois derniers pourraient être impactés par la mise en place volontaire d’un jeûne intermittent.
Celui-ci sera-t-il vraiment avantageux si c’est le cas ? N’oublions pas non plus qu’une personne à qui on propose un jeûne intermittent dans les conditions optimales comme la solution ne se croit pas capable de suivre une telle restriction, elle risque de se sentir coupable, et se retrouvera avec un problème supplémentaire sans avoir résolu le premier. Cette situation va aussi amplifier sa croyance qu’elle a un problème incurable.
On voit ainsi les dangers de vanter un peu trop les bienfaits du jeûne intermittent. Il est plus bénéfique lors d’un conseil ou d’un accompagnement, de le présenter comme une ressource d’amélioration adaptée à certaines personnes, et que ne pas l’adopter et s’investir sur d’autres facteurs de santé ou perte de poids est tout aussi valide.
Quand cette ressource est choisie et adoptée après une période d’essai, c’est le bon moment pour insister sur tous ses bienfaits afin qu’elle puisse alors plus facilement se pérenniser.

2. Quel format ?
Le jeûne intermittent avec le format eTRF 16/8, selon les études actuelles, semble le plus performant. Doit-on pour autant chercher à l’appliquer à tout prix ? C’est le piège qui conduit à chercher la performance pour une solution à long terme, alors que dans ce cas c’est la pérennité qui est prioritaire. Il est préférable d’adopter une organisation des repas non idéale mais acceptable pour la personne, souple si besoin, et la perpétuer toute sa vie, que pratiquer stoïquement un eTRF 16/8 et l’abandonner au bout de quelques semaines en bannissant à jamais le jeûne intermittent, avec un sentiment d’échec si en plus les kilos perdus sont repris.
À l’échelle d’une vie pour ce qui concerne la santé, faire un peu pendant longtemps est plus bénéfique que faire beaucoup pendant peu de temps. Cela nous invite donc à prendre le temps de choisir avec la personne concernée le format qui lui convient, en étant le plus ambitieux possible avec l’eTRF comme idéal. Au final nous retiendrons le meilleur dans ce qui réaliste, avec une souplesse s’il est nécessaire de réadapter après avoir pris conscience à l’usage que c’était trop difficile. Et comme c’est une solution réaliste et durable, il n’y aura pas de doute que c’est la meilleure.
Dans la mesure où un peu est mieux que rien, tout est envisageable. On peut réduire la durée de jeûne quotidien à 14 h, voire 12 h, ce qui est déjà un progrès pour certaines personnes. On peut aussi limiter le nombre de jours par semaine pour ne pas imposer une restriction permanente qui priverait de certaines opportunités. On peut aussi plus simplement afin de ne pas se prendre la tête, se laisser la liberté quand le plaisir et la vie sociale sont en jeu et appliquer le reste du temps, autant de fois que possible, avec l’enthousiasme de se faire du bien dans toutes les situations

3. Est-ce suffisant ?
Le jeûne intermittent est souvent proposé comme une solution nutritionnelle, ce qui laisse penser qu’il suffit de l’appliquer sans s’occuper du reste de l’alimentation.
Parmi les 15 critères proposés dans Nutrition Santé Essentielle (10) pour faire évoluer de manière durable l’alimentation vers l’optimum de sa part dans la santé globale, le jeûne intermittent n’est que l’une des composantes du critère n° 13 : « trouver une chrononutrition personnelle optimale ». Si les autres critères ne sont pas pris en compte, il y a peu à en attendre, alors que les bénéfices peuvent être marqués, sans jeûne intermittent, si plusieurs autres critères majeurs sont optimisés.
L’idéal est donc de faire entrer le jeûne intermittent dans un changement global qui prend en compte les grands principes de la nutrition santé.

En résumé

Pour être simple et pragmatique…
Le jeûne intermittent est un critère de nutrition santé parmi d’autres, qui a avantage à être mise en œuvre dans un format réaliste pour la personne, en s’approchant au mieux du eTRF 16/8.
Pour la perte de poids, les bénéfices sont inconstants et dépendent de la situation globale de chacun (génétique, terrain biologique, psychologie). En revanche, il est toujours favorable de réduire la période quotidienne de prise alimentaire pour la santé globale à long terme.

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RÉFÉRENCES

1. Shaunak Deota & al : Diurnal transcriptome landscape of a multi-tissue response to time-restricted feeding in mammals – Cell Metabolism, 2023, 35(1) : 150-165

2. Dr Robert Lustig : Sucre, l’amère vérité – Thierry Souccar Éditions 2015
Gary Taubes : Pourquoi on grossit – Thierry Souccar Éditions 2015

3. Jacques B. Boislève : Biochimie physiologique et métabolique, page 414 – Holosys éditions 2022

4. Une évaluation complète des effets à long terme de la réduction de l’apport énergétique (CALERIE) d’environ 12 % pendant deux ans sur plus de 200 participants a montré une amélioration significative des marqueurs de la santé cardiométabolique, de l’inflammation et du stress oxydatif.
CALERIE = Comprehensive Assessment of Long-Term Effects of Reducing Intake of Energy.
W E Kraus & al : 2 years of calorie restriction and cardiometabolic risk (CALERIE): exploratory outcomes of a multicentre, phase 2, randomised controlled trial, The Lancet Diabetes & Endoncrinonologie 2019, 7 (9) : 673-683

5. La nutrition.fr : Le jeûne intermittent : 4 experts répondent à vos questions – 
Dur à avaler : plusieurs articles sur le jeûne intermittent

6. Dylan A Lowe & al : Effects of Time-Restricted Eating on Weight Loss and Other Metabolic Parameters in Women and Men With Overweight and Obesity: The TREAT Randomized Clinical Trial – JAMA Intern Med. 2020, 180(11) : 1491-1499

7. Zhibo Xie & al : Randomized controlled trial for time-restricted eating in healthy volunteers without obesity – Nature communication, 2022, 13:1003

8. Jacques B. Boislève : Santé Vivante – Holosys éditions 2017

9. Joël de Rosnay :  la symphonie du vivant, Ed. Les liens qui libèrent, 2018

10. Jacques B. Boislève – Nutrition Santé Essentielle – Holosys éditions 2021

Image de Jacques B. Boislève
Jacques B. Boislève

Consultant Formateur - Nutrition, psychologie et santé intégratives

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